15.
Tout le noeud de la question se réduit donc à demander si l'on ne peut vous imputer aucun péché étranger, bien que commis sur vous et quoique vous ayez pu l'empêcher par une faute plus légère et ne l'avez pas voulu, ou s'il faut faire une exception pour une souillure corporelle. Car personne ne regarde un homme comme souillé pour avoir été tué, jeté en prison, enchaîné, flagellé, ou affligé de douleurs et de tortures de toute espèce; ni pour avoir été proscrit, pour avoir subi des pertes très-graves jusqu'au dernier dénûment, pour avoir été dépouillé des honneurs, ou accablé des plus sanglants affronts et d'injures de toute sorte; non, personne ne sera assez insensé pour appeler immonde celui qui aura subi tout cela. Mais si on le couvre de fumier, ou si on lui introduit par force des ordures dans la bouche, ou si on le déshonore comme on déshonorerait une femme; il inspire une horreur à peu près universelle, et on l'appelle souillé d'ignominie et immonde. D'où il faut conclure que quels que soient les péchés commis par d'autres, sauf ceux qui rendent immonde celui sur qui on les commet, on ne doit point les empêcher en péchant personnellement, soit qu'il s'agisse de soi-même, soit qu'il s'agisse d'un autre, mais qu'on doit s'y résigner et les supporter avec courage, et ne les prévenir par aucune espèce de péché, pas même par un mensonge; au contraire ceux qui se commettent sur l'homme de manière à le rendre immonde, il faut les éviter même au prix du péché, qui du reste ne peut plus être appelé péché dès qu'il a pour but d'empêcher de telles souillures. Car tout ce qu'on serait justement blâmé de ne pas faire cesse d'être un péché. Il en résulte que la souillure dont il est question ne doit pas même s'appeler ainsi, quand on ne peut absolument l'éviter ; car celui qui la subit a encore quelque chose de bien à faire : c'est de supporter avec patience ce qu'il ne peut éviter. Jamais souillure corporelle ne rendra immonde celui qui fait le bien. Car tout homme injuste est immonde devant le Seigneur. Donc tout homme juste est pur, sinon devant les hommes, au moins devant Dieu, juge infaillible. Par conséquent l'homme n'est point souillé parle contact corporel, même quand il aurait pu l'éviter; ce qui le souillerait ce serait le péché qu'il aurait commis pour éviter ce contact, mais qu'il n'a point voulu commettre, car tout ce qu'il aurait pu faire pour échapper à ces souillures, n'aurait pas été péché. Donc quiconque ment dans ce but, ne pèche pas.