Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XIV: De resecando amore laudis humanae, quoniam iustorum gloria omnis in deo sit. huic igitur cupiditati melius resistitur sine dubitatione quam ceditur.
Tanto enim quisque est deo similior, quanto et ab hac inmunditia mundior. quae in hac uita etsi non funditus eradicatur ex corde, quia etiam bene proficientes animos tentare non cessat, saltem cupiditas gloriae superetur dilectione iustitiae: ut, si alicubi iacent quae apud quosque inprobantur, si bona, si recta sunt, etiam ipse amor humanae laudis erubescat et cedat amori ueritatis. tam enim est hoc uitium inimicum piae fidei, si maior in corde sit cupiditas gloriae quam dei timor uel amor, ut dominus diceret: quomodo potestis credere gloriam ab inuicem expectantes et gloriam quae a solo deo est non quaerentes? item de quibusdam, qui in eum crediderant et uerebantur palam confiteri, ait euangelista: dilexerunt gloriam hominum magis quam dei. quod sancti apostoli non fecerunt; qui cum in his locis praedicarent Christi nomen, ubi non solum inprobabatur - sicut ille ait: iacentque ea semper, quae apud quosque inprobantur - , uerum etiam summae detestationis habebatur, tenentes quod audierant a bono magistro eodemque medico mentium: si quis me negauerit coram hominibus, negabo eum coram patre meo, qui in caelis est, uel coram angelis dei, inter maledicta et obprobria, inter grauissimas persecutiones crudelesque poenas non sunt deterriti a praedicatione salutis humanae tanto fremitu offensionis humanae. et quod eos diuina facientes atque dicentes diuineque uiuentes debellatis quodammodo cordibus duris atque introducta pace iustitiae ingens in ecclesia Christi gloria consecuta est: non in ea tamquam in suae uirtutis fine quieuerunt, sed eam quoque ipsam ad dei gloriam referentes, cuius gratia tales erant, isto quoque fomite eos, quibus consulebant, ad amorem illius, a quo et ipsi tales fierent, accendebant. namque ne propter humanam gloriam boni essent, docuerat eos magister illorum dicens: cauete facere iustitiam uestram coram hominibus, ut uideamini ab eis; alioquin mercedem non habebitis apud patrem uestrum, qui in caelis est. sed rursus ne hoc peruerse intellegentes hominibus placere metuerent minusque prodessent latendo, quod boni sunt, demonstrans quo fine innotescere deberent: luceant, inquit, opera uestra coram hominibus, ut uideant bona facta uestra et glorificent patrem uestrum, qui in caelis est. non ergo ut uideamini ab eis, id est hac intentione, ut eos ad uos conuerti uelitis, quia non per uos aliquid estis; sed ut glorificent patrem uestrum, qui in caelis est, ad quem conuersi fiant quod estis. hos secuti sunt martyres, qui Scaeuolas et Curtios et Decios non sibi inferendo poenas, sed inlatas ferendo et uirtute uera, quoniam uera pietate, et innumerabili multitudine superarunt. sed cum illi essent in ciuitate terrena, quibus propositus erat omnium pro illa officiorum finis incolumitas eius et regnum non in caelo, sed in terra; non in uita aeterna, sed in decessione morientium et successione moriturorum: quid aliud amarent quam gloriam, qua uolebant etiam post mortem tamquam uiuere in ore laudantium?
Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE XIV.
IL FAUT ÉTOUFFER L’AMOUR DE LA GLOIRE TEMPORELLE, LA GLOIRE DES JUSTES ÉTANT TOUTE EN DIEU.
Il vaut donc mieux, n’en doutons point, résister à cette passion que s’y abandonner; car on est d’autant plus semblable à Dieu qu’on est plus pur de cette impureté. Je conviens qu’en cette vie il n’est pas possible de la déraciner entièrement du coeur de l’homme, les plus vertueux ne cessant jamais d’en être tentés ; mais efforçons-nous au moins de la surmonter par l’amour de la justice, et si l’on voit languir et s’éteindre, parce qu’elles sont discréditées dans l’opinion, des choses bonnes
et solides en elles-mêmes,- que l’amour de la gloire humaine en rougisse et qu’il cède à l’amour de la vérité. Une preuve que ce vice est ennemi de la vraie foi, quand il vient à l’emporter dans notre coeur sur la crainte ou sur l’amour de Dieu, c’est que Notre-Seigneur dit dans l’Evangile : « Comment pouvez-vous avoir la foi, vous qui attendez la gloire les uns des autres, et ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul2?» L’évangéliste dit encore de certaines personnes qui croyaient en Jésus-Christ, mais qui appréhendaient de confesser publiquement leur foi « Ils ont plus aimé la gloire des hommes que celle de Dieu3». Telle ne fut pas la conduite des bienheureux Apôtres; car ils prêchaient le christianisme en des lieux où non-seulement il était en discrédit et ne pouvait, par conséquent, selon le mot de Cicéron, rencontrer qu’une sympathie languissante, mais où il était un objet de haine; ils se souvinrent donc de cette parole du bon Maître, du Médecin des âmes : « Si quelqu’un me renonce devant les hommes, je le renoncerai devant mon Père qui est dans les cieux, et devant les anges de Dieu4 ». En vain les malédictions et les opprobres s’élevèrent de toutes parts; les persécutions les plus terribles, les supplices les plus cruels ne purent les détourner de prêcher la doctrine du salut à la face de l’orgueil humain frémissant. Et quand par leurs actions, leurs paroles et toute leur vie vraiment divine, par leur victoire sur des coeurs endurcis, où ils faisaient pénétrer la justice et la paix, ils eurent acquis dans l’Eglise du Christ une immense gloire, loin de s’y reposer comme dans la fin de leur vertu, ils la rapportèrent à Dieu, dont la grâce les avait rendus forts et victorieux. C’est à ce foyer qu’ils allumaient l’amour de leurs disciples, les tournant sans cesse vers le seul être capable de les rendre dignes de marcher un jour sur leur trace, et d’aimer le bien sans souci de la vaine gloire, suivant cet enseignement du Maître: «Prenez garde de faire le bien devant les hommes pour être regardés; autrement vous ne recevrez point de récompense de votre Père qui est dans les cieux5 ».
D’un autre côté de peur que ses disciples n’entendissent mal sa pensée, et que leur vertu perdît de ses fruits en se dérobant aux regards, il leur explique à quelle fin ils doivent laisser voir leurs oeuvres : « Que vos actions, dit-il, brillent devant les hommes, afin qu’en les voyant ils glorifient votre Père qui est dans les cieux6 ». Comme s’il disait : Faites le bien, non pour que les hommes vous voient, non pour qu’ils s’attachent à vous, puisque par vous-mêmes vous n’êtes rien, mais pour qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux, et que, s’attachant à lui, ils deviennent ce que vous êtes. Voilà le précepte dont se sont inspirés tous ces martyrs qui ont surpassé les Scévola, les Curtius et les Décius, non moins par leur nombre que par leur vertu; vertu vraiment solide , puisqu’elle était fondée sur la vraie piété, et qui consistait, non à se donner la mort, mais à savoir la souffrir. Quant à ces Romains, enfants d’une cité terrestre, comme ils ne se proposaient d’autre fin de leur dévouement pour elle que sa conservation et sa grandeur, non dans le ciel, mais sur la ferre, non dans la vie éternelle, mais sur ce théâtre mobile du monde, où les morts sont remplacés par les mourants, qu’aimaient-ils, après tout, sinon la gloire qui devait les faire vivre, même après leur mort, dans le souvenir de leurs admirateurs?