Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XIX: De inpietate artis magicae, quae patrocinio nititur spirituum malignorum.
Porro aduersus magicas artes, de quibus quosdam nimis infelices et nimis inpios etiam gloriari libet, nonne ipsam publicam lucem testem citabo? cur enim tam grauiter ista plectuntur seueritate legum, si opera sunt numinum colendorum? an forte istas leges Christiani instituerunt, quibus artes magicae puniuntur? secundum quem alium sensum, nisi quod haec maleficia generi humano perniciosa esse non dubium est, ait poeta clarissimus: testor, cara, deos et te, germana, tuumque dulce caput, magicas inuitam accingier artes? illud etiam, quod alio loco de his artibus dicit: atque satas alio uidi traducere messes, eo quod hac pestifera scelerataque doctrina fructus alieni in alias terras transferri perhibentur, nonne in duodecim tabulis, id est Romanorum antiquissimis legibus, Cicero commemorat esse conscriptum et ei, qui hoc fecerit, supplicium constitutum? postremo Apuleius ipse numquid apud Christianos iudices de magicis artibus accusatus est? quas utique sibi obiectas si diuinas et pias esse nouerat et diuinarum potestatum operibus congruas, non solum eas confiteri debuit, sed etiam profiteri, leges culpans potius, quibus haec prohiberentur et damnanda putarentur, quae haberi miranda et ueneranda oporteret. ita enim uel sententiam suam persuaderet iudicibus, uel, si illi secundum iniquas leges saperent eumque talia praedicantem atque laudantem morte multarent, digna animae illius daemones dona rependerent, pro quorum diuinis operibus praedicandis humanam uitam sibi adimi non timeret; sicut martyres nostri, cum eis pro crimine obiceretur Christiana religio, qua nouerant se fieri saluos et gloriosissimos in aeternum, non eam negando temporales poenas euadere delegerunt, sed potius confitendo profitendo praedicando et pro hac omnia fideliter fortiterque tolerando et cum pia securitate moriendo leges, quibus prohibebatur, erubescere conpulerunt mutarique fecerunt. huius autem philosophi Platonici copiosissima et disertissima extat oratio, qua crimen artium magicarum a se alienum esse defendit seque aliter non uult innocentem uideri nisi ea negando, quae non possunt ab innocente committi. at omnia miracula magorum, quos recte sentit esse damnandos, doctrinis fiunt et operibus daemonum, quos uiderit cur censeat honorandos, eos necessarios adserens perferendis ad deos precibus nostris, quorum debemus opera deuitare, si ad deum uerum preces nostras uolumus peruenire. deinde quaero, quales preces hominum dis bonis per daemones adlegari legari putat, magicas an licitas? si magicas, nolunt tales; si licitas, nolunt per tales. si autem peccator paenitens preces fundit, maxime si aliquid magicum admisit, ita ne tandem illis intercedentibus accipit ueniam, quibus inpellentibus aut fauentibus se cecidisse plangit in culpam? an et ipsi daemones, ut possint paenitentibus mereri indulgentiam, priores agunt, quod eos deceperint, paenitentiam? hoc nemo umquam de daemonibus dixit, quia, si ita esset, nequaquam sibi auderent diuinos honores expetere, qui paenitendo desiderarent ad gratiam ueniae peruenire. ibi enim est detestanda superbia, hic humilitas miseranda.
Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE XIX.
LA MAGIE EST IMPIE QUAND ELLE A POUR BASE LA PROTECTION DES ESPRITS MALINS.
Pour confondre ces pratiques de la magie, dont quelques hommes sont assez malheureux et assez impies pour tirer vanité, je ne veux d’autre témoin que l’opinion publique. Si en effet les opérations magiques sont l’ouvrage de divinités dignes d’adoration, pourquoi sont-elles si rudement frappées par la sévérité des lois ? Sont-ce les chrétiens qui ont fait ces lois ? Admettez que les maléfices des magiciens ne soient pas pernicieux au genre humain, pourquoi ces vers d’un illustre poète?
« J’en atteste les dieux et toi-même, chère soeur, et ta tête chérie c’est à regret que j’ai recours aux conjurations magiques.1»
Et pourquoi cet autre vers?
« Je l’ai vu transporter des moissons d’un champ dans un autre2 »
allusion à cette science pernicieuse et criminelle qui fournissait, disait-on, le moyen de transporter à son gré les fruits de la terre? Et puis Cicéron ne remarqua-t-il pas qu’une loi des Douze Tables, c’est-à-dire une des plus anciennes lois de Rome, punit sévèrement les magiciens3? Enfin, est-ce devant les magistrats chrétiens qu’Apulée fut accusé de magie +4 ? Certes, s’il eût pensé que ces pratiques fassent innocentes, pieuses et en harmonie avec les oeuvres de la puissance divine, il devait non-seulement les avouer, mais faire profession de s’en servir et protester contre les lois qui interdisent et condamnent un art digne d’admiration et de respect. De cette façon, ou il aurait persuadé ses juges, ou si, trop attachés à d’injustes lois, ils l’avaient condamné à mort, les démons n’auraient pas manqué de récompenser son courage. C’est ainsi que lorsqu’on imputait à crime à nos martyrs cette religion chrétienne où ils croyaient fermement trouver leur salut et une éternité de gloire, ils ne la reniaient pas pour éviter des peines temporelles, mais au contraire ils la confessaient, ils la professaient, ils la proclamaient; 4 et c’est en souffrant pour elle avec courage et fidélité, c’est en mourant avec une tranquillité pieuse, qu’ils firent rougir la loi de son injustice et en amenèrent la révocation. Telle n’a point été la conduite du philosophe platonicien. Nous avons encore le discours très-étendu et très-disert où il se défend contre l’action de magie; et s’il s’efforce d’y paraître innocent, c’est en niant les actions qu’on ne peut faire innocemment. Or, tous ces prodiges de la magie, qu’il juge avec raison condamnables, ne s’accomplissent-ils point par la science et par les oeuvres des démons? Pourquoi donc veut-il qu’on les honore? pourquoi dit-il que nos prières ne peuvent parvenir aux dieux que par l’entremise de ces mêmes démons dont nous devons fuir les oeuvres, si nous voulons que nos prières parviennent jusqu’au vrai Dieu ? D’ailleurs, je demande quelle sorte de prières les démons présentent aux dieux bons:
des prières magiques ou des prières permises? les premières, ils n’en veulent pas ; les secondes, ils les veulent par d’autres médiateurs. De plus, si un pécheur pénitent vient à prier, se reconnaissant coupable d’avoir donné dans la magie, obtiendra-t-il son pardon par l’intercession de ceux qui l’ont poussé au crime ? ou bien les démons eux-mêmes, pour obtenir le pardon des pécheurs, feront-ils tous les premiers pénitence pour les avoir séduits? C’est ce qui n’est jamais venu à l’esprit de personne ; car s’ils se repentaient de leurs crimes et en faisaient pénitence, ils n’auraient pas la hardiesse de revendiquer pour eux les honneurs divins; une superbe si détestable ne peut s’accorder avec une humilité si digne de pardon.
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Enéide, livre IV, V. 492, 493. ↩
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Eglogue 8e, V. 99. ↩
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Un fragment de la loi des Douze Tables porte : Qui fruges excantasit. Qui malum carmen incantasit... Non alienam segetem pelexeris. Voyez Pline, Hist.nat., lib. XXV, cap. 2. — Sénèque, Quœst. natur., lib. IV. — Apulée, Apologie, page 304. ↩
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Apulée fut cité pour crime- de magie devant le gouverneur de l’Aquitaine, Claudius, qui n’était rien moine que chrétien. Voyez Lettres de Marcellinus et de saint Augustin, 136, 138. ↩