Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XVI: De philosophis, qui animae separationem a corpore non putant esse poenalem, cum Plato inducat summum deum dis minoribus promittentem, quod numquam sint corporibus exuendi.
Sed philosophi, contra quorum calumnias defendimus ciuitatem dei, hoc est eius ecclesiam, sapienter sibi uidentur inridere, quod dicimus animae a corpore separationem inter poenas eius esse deputandam, quia uidelicet eius perfectam beatitudinem tunc illi fieri existimant, cum omni prorsus corpore exuta ad deum simplex et sola et quodammodo nuda redierit. ubi si nihil, quo ista refelleretur opinio, in eorum litteris inuenirem, operosius mihi disputandum esset, quo demonstrarem non corpus esse animae, sed corruptibile corpus onerosum. unde illud est quod de scripturis nostris in superiore libro commemorauimus: corpus enim corruptibile adgrauat animam. addendo utique corruptibile. non qualicumque corpore, sed quale factum est ex peccato consequente uindicta, animam perhibuit adgrauari. quod etiamsi non addidisset, nihil aliud intellegere deberemus. sed cum apertissime Plato deos a summo deo factos habere inmortalia corpora praedicet eisque ipsum deum, a quo facti sunt, inducat pro magno beneficio pollicentem, quod in aeternum cum suis corporibus permanebunt nec ab eis ulla morte soluentur, quid est quod isti ad exagitandam Christianam fidem fingunt se nescire quod sciunt, aut etiam sibi repugnantes aduersum se ipsos malunt dicere, dum nobis non desinant contradicere? nempe Platonis haec uerba sunt, sicut ea Cicero in Latinum uertit, quibus inducit summum deum deos quos fecit adloquentem ac dicentem: uos, qui deorum satu orti estis, adtendite: quorum operum ego parens effectorque sum, haec sunt indissolubilia me inuito, quamquam omne conligatum solui potest; sed haudquaquam bonum est ratione uinctum uelle dissoluere. sed quoniam estis orti, inmortales uos quidem esse et indissolubiles non potestis; neutiquam tamen dissoluemini, neque uos ulla mortis fata periment, nec erunt ualentiora quam consilium meum, quod maius est uinculum ad perpetuitatem uestram, quam illa quibus estis tum, cum gignebamini, conligati. ecce deos Plato dicit et corporis animaeque conligatione mortales, et tamen inmortales dei a quo facti sunt uoluntate atque consilio. si ergo animae poena est in qualicumque corpore conligari, quid est quod eos adloquens deus tamquam sollicitos, ne forte moriantur, id est dissoluantur a corpore, de sua facit inmortalitate securos; non propter eorum naturam, quae sit conpacta, non simplex, sed propter suam inuictissimam uoluntatem, qua potens est facere, ut nec orta occidant nec conexa soluantur, sed incorruptibiliter perseuerent? et hoc quidem utrum Plato uerum de sideribus dicat, alia quaestio est. neque enim ei continuo concedendum est globos istos luminum siue orbiculos luce corporea super terras seu die seu nocte fulgentes suis quibusdam propriis animis uiuere eisque intellectualibus et beatis, quod etiam de ipso uniuerso mundo, tamquam uno animali maximo, quo cuncta cetera continerentur animalia, instanter adfirmat. sed haec, ut dixi, alia quaestio est, quam nunc discutiendam non suscepimus. hoc tantum contra istos commemorandum putaui, qui se Platonicos uocari uel esse gloriantur, cuius superbia nominis erubescunt esse Christiani, ne commune illis cum uulgo uocabulum uilem faciat palliatorum tanto magis inflatam, quanto magis exiguam paucitatem; et quaerentes, quid in doctrina Christiana reprehendant, exagitant aeternitatem corporum, tamquam haec sint inter se contraria, ut et beatitudinem quaeramus animae et eam semper esse uelimus in corpore, uelut aerumnoso uinculo conligatam; cum eorum auctor et magister Plato donum a deo summo dis ab illo factis dicat esse concessum, ne aliquando moriantur, id est a corporibus, quibus eos conexuit, separentur.
Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE XVII
CONTRE LES PLATONICIENS, QUI NE VEULENT PAS QUE LA SÉPARATION DU CORPS ET DE L’AIME SOIT UNE PEINE DU PÉCHÉ.
Les philosophes contre qui nous avons entrepris de défendre la Cité de Dieu, c’est-à-dire son Eglise, pensent être bien sages quand ils se moquent de nous au sujet de la séparation de l’âme et du corps, que nous considérons comme un des châtiments de l’âme; car à leurs yeux l’âme n’atteint la parfaite béatitude que lorsque entièrement dépouillée du corps, elle retourne à Dieu dans sa simplicité, dans son indépendance et comme dans sa nudité primitive1. Ici peut-être, si je ne trouvais dans leurs propres livres de quoi les réfuter, je serais obligé d’entrer dans une longue discussion pour montrer que le corps n’est à charge à l’âme que parce qu’il est corruptible. De là ce mot de l’Ecriture, déjà rappelé au livre précédent: « Le corps corruptible appesantit l’âme2 ». L’Ecriture dit corruptible, pour faire voir que ce n’est pas le corps en soi qui appesantit l’âme, mais le corps dans l’état où il est tombé par le péché; et elle ne le dirait pas que nous devrions l’entendre ainsi. Mais quand Platon déclare en termes formels que les dieux inférieurs créés par le Dieu souverain ont des corps immortels, quand il introduit ce même Dieu promettant à ses ministres comme une grande faveur qu’ils demeureront éternellement unis à leur corps, sans qu’aucune mort les en sépare, comment se fait-il que nos adversaires, dans leur zèle contre la foi chrétienne, feignent de ne pas savoir ce qu’ils savent, et s’exposent à parler contre leurs propres sentiments, pour le plaisir de nous contredire? Voici, en effet (d’après Cicéron, qui les traduit), les propres paroles que Platon prête au Dieu souverain s’adressant aux dieux créés3 : « Dieux, fils de dieux, considérez de quels ouvrages je suis l’auteur et le père. Ils sont indissolubles, parce que je le veux; car tout ce qui est composé peut se dissoudre; mais il est d’un méchant de vouloir séparer ce que la raison a uni. Ainsi, ayant commencé d’être, vous ne sauriez être immortels, ni absolument indissolubles; mais vous ne serez jamais dissous et vous ne connaîtrez aucune sorte de mort, parce que la mort ne peut rien contre ma volonté, laquelle est un lien plus fort et plus puissant que ceux dont vous fûtes, unis au moment de votre naissance ». Voilà donc les dieux qui, tout mortels qu’ils sont comme composés de corps et d’âme, ne laissent pas, suivant Platon, d’être immortels par la volonté de Dieu qui les a faits. Si donc c’est une peine pour l’âme d’être unie à un corps, quel qu’il soit, d’où vient que Dieu cherche en quelque sorte à rassurer les dieux contre la mort, c’est-à-dire contre la séparation de l’âme et du corps, et leur promet qu’ils seront immortels, non par leur nature, composée et non simple, mais par sa volonté ?
De savoir maintenant si ce sentiment de Platon touchant les astres est véritable, c’est une autre question. Nous ne tombons pas d’accord que ces globes de lumière qui nous éclairent le jour et la nuit aient des âmes intelligentes et bienheureuses qui les animent, ainsi que Platon l’affirme également de l’univers, comme d’un grand et vaste animal qui contient tous les autres5; mais, je le répète, c’est une autre question que je n’ai pas entrepris d’examiner ici. J’ai cru seulement devoir dire ce peu de mots contre ceux qui sont si fiers de s’appeler platoniciens : orgueilleux porteurs de manteaux, d’autan t plus superbes qu’ils sont moins nombreux et qui rougiraient d’avoir à partager le nom de chrétien avec la multitude. Ce sont eux qui, cherchant un point faible dans notre doctrine, s’attaquent à l’éternité des corps, comme s’il y avait de la contradiction à vouloir que l’âme soit bienheureuse et qu’elle soit éternellement unie à un corps; ils oublient que Platon, leur maître, considère comme une grâce que le Dieu souverain accorde aux dieux créés le privilége de ne point mourir, c’est-à-dire de n’être jamais séparés de leur corps.
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C’est le sentiment de Platon dans le Phèdre et dans le Timée; c’est aussi celui de Plotin (Ennéades, VI, livre IX, ch. 9) et de tous les néoplatoniciens d’Alexandrie. ↩
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Sag. IX, 15. ↩
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On remarquera qu’en citant même le Timée, saint Augustin n’a pas le texte grec sous les yeux, mais une traduction latine. ↩
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Saint Augustin ayant cité ce passage du Timée, non pas d’après le texte, mais d’après la version de Cicéron, e’était pour nous un devoir de nous rapprocher de Cicéron plus que de Platon même. — Comparez les divers interprètes M. J.-V. Le Clerc ( Pensées de Platon,) M. Cousin (tome XI, page 137) et M. Henri-Martin (tome I, page 112 et note 38, § 1). ↩
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Voyez particulièrement le Timée (trad. fr., tome XII, pages 120, 125, 244) : « Dieu, dit Platon, voulant faire le monde semblable à ce qu’il y a de plus beau et de plus parfait parmi les choses intelligibles, en fit un animal visible, un et renfermant en lui tous les autres animaux comme étant de la même nature que lui. » ↩