Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XV: De iustitia retributionis, quam primi homines pro sua inoboedientia receperunt.
Quia ergo contemptus est deus iubens, quia creauerat, qui ad suam imaginem fecerat, qui ceteris animalibus praeposuerat, qui in paradiso constituerat, qui rerum omnium copiam salutisque praestiterat, qui praeceptis nec pluribus nec grandibus nec difficilibus onerauerat, sed uno breuissimo atque leuissimo ad oboedientiae salubritatem adminiculauerat, quo eam creaturam, cui libera seruitus expediret, se esse dominum commonebat: iusta damnatio subsecuta est, talisque damnatio, ut homo, qui custodiendo mandatum futurus fuerat etiam carne spiritalis, fieret etiam mente carnalis et, qui sua superbia sibi placuerat, dei iustitia sibi donaretur; nec sic, ut in sua esset omnimodis potestate, sed a se ipse quoque dissentiens sub illo, cui peccando consensit, pro libertate, quam concupiuit, duram miseramque ageret seruitutem, mortuus spiritu uolens et corpore moriturus inuitus, desertor aeternae uitae etiam aeterna, nisi gratia liberaret, morte damnatus. quisquis huiusmodi damnationem uel nimiam uel iniustam putat, metiri profecto nescit, quanta fuerit iniquitas in peccando, ubi tanta erat non peccandi facilitas. sicut enim Abrahae non inmerito magna oboedientia praedicatur, quia, ut occideret filium, res difficillima est imperata: ita in paradiso tanto maior inoboedientia fuit, quanto id, quod praeceptum est, nullius difficultatis fuit. et sicut oboedientia secundi hominis eo praedicabilior, quo factus est oboediens usque ad mortem: ita inoboedientia primi hominis eo detestabilior, quo factus est inoboediens usque ad mortem. ubi enim magna est inoboedientiae poena proposita et res a creatore facilis imperata, quisnam satis explicet, quantum malum sit non oboedire in re facili et tantae potestatis imperio et tanto terrente supplicio? denique, ut breuiter dicatur, in illius peccati poena quid inoboedientiae nisi inoboedientia retributa est? nam quae hominis est alia miseria nisi aduersus eum ipsum inoboedientia eius ipsius, ut, quoniam noluit quod potuit, quod non potest uelit? in paradiso enim etiamsi non omnia poterat ante peccatum, quidquid tamen non poterat, non uolebat, et ideo poterat omnia quae uolebat; nunc uero sicut in eius stirpe cognoscimus et diuina scriptura testatur: homo uanitati similis factus est. quis enim enumerat, quam multa quae non potest uelit, dum sibi ipse, id est uoluntati eius ipse animus eius eoque inferior caro eius, non obtemperat? ipso namque inuito et animus plerumque turbatur et caro dolet et ueterescit et moritur, et quidquid aliud patimur, quod non pateremur inuiti, si uoluntati nostrae nostra natura omni modo atque ex omnibus partibus oboediret. at enim aliquid caro patitur, quo seruire non sinitur. quid interest unde, dum tamen per iustitiam dominantis dei, cui subditi seruire noluimus, caro nostra nobis, quae subdita fuerat, non seruiendo molesta sit, quamuis nos deo non seruiendo molesti nobis potuerimus esse, non illi? neque enim sic ille nostro, ut nos seruitio corporis indigemus, et ideo nostra est quod recipimus, non illius poena quod fecimus. dolores porro, qui dicuntur carnis, animae sunt in carne et ex carne. quid enim caro per se ipsam sine anima uel dolet uel concupiscit? sed quod concupiscere caro dicitur uel dolere, aut ipse homo est, sicut disseruimus, aut aliquid animae, quod carnis adficit passio, uel aspera, ut faciat dolorem, uel lenis, ut uoluptatem. sed dolor carnis tantummodo offensio est animae ex carne et quaedam ab eius passione dissensio, sicut animi dolor, quae tristitia nuncupatur, dissensio est ab his rebus, quae nobis nolentibus acciderunt. sed tristitiam plerumque praecedit metus, qui et ipse in anima est, non in carne. dolorem autem carnis non praecedit ullus quasi metus carnis, qui ante dolorem in carne sentiatur. uoluptatem uero praecedit adpetitus quidam, qui sentitur in carne quasi cupiditas eius, sicut fames et sitis et ea, quae in genitalibus usitatius libido nominatur, cum hoc sit generale uocabulum omnis cupiditatis. nam et ipsam iram nihil aliud esse quam ulciscendi libidinem ueteres definierunt; quamuis nonnumquam homo, ubi uindictae nullus est sensus, etiam rebus inanimis irascatur, et male scribentem stilum conlidat uel calamum frangat iratus. uerum et ista licet inrationabilior, tamen quaedam ulciscendi libido est, ut nescio qua, ut ita dixerim, quasi umbra retributionis, ut qui male faciunt, mala patiantur. est igitur libido ulciscendi, quae ira dicitur; est libido habendi pecuniam, quae auaritia; est libido quomodocumque uincendi, quae peruicacia; est libido gloriandi, quae iactantia nuncupatur. sunt multae uariaeque libidines, quarum nonnullae habent etiam uocabula propria, quaedam uero non habent. quis enim facile dixerit, quid uocetur libido dominandi, quam tamen plurimum ualere in tyrannorum animis etiam ciuilia bella testantur?
Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE XV.
LA PEINE DU PREMIER PÉCHÉ EST TRÈS-JUSTE.
Lors donc que l’homme eût méprisé le commandement de Dieu, de ce Dieu qui l’avait créé, fait à son image, établi sur les autres animaux, placé dans le paradis, comblé de tous les biens, et qui, loin de le charger d’un grand nombre de préceptes fâcheux, ne lui en avait donné qu’un très-facile, pour lui recommander l’obéissance et le faire souvenir qu’il était son Seigneur et que la véritable liberté consiste à servir Dieu, ce fut avec justice que l’homme tomba dans la damnation, et dans une damnation telle que son esprit devint charnel, lui dont le corps même devait devenir spirituel, s’il n’eût point péché; et comme il s’était plu en lui-même par son orgueil, la justice de Dieu l’abandonna à lui-même, non pour vivre dans l’indépendance qu’il affectait, mais pour être esclave de celui à qui il s’était joint en péchant, pour souffrir malgré lui la mort du corps, comme il s’était volontairement procuré celle de l’âme, et pour être même condamné à la mort éternelle (si Dieu ne l’en délivrait par sa grâce), en puni-lion d’avoir abandonné la vie éternelle. Quiconque estime cette condamnation ou trop grande ou trop injuste ne sait certainement pas peser la malice d’un péché qui était si facile à éviter. De même que l’obéissance d’Abraham a été d’autant plus grande que le commandement que Dieu lui avait fait était plus difficile1, ainsi la désobéissance du premier homme a été d’autant plus criminelle qu’il n’y avait aucune difficulté à faire ce qui lui avait été commandé ; et comme l’obéissance du second Adam est d’autant plus louable qu’il a été obéissant jusqu’à la mort2, la désobéissance du premier est d’autant plus détestable qu’il a été désobéissant jusqu’à la mort. Ce que le Créateur commandait étant si peu considérable et la peine de la désobéissance si grande, qui peut mesurer la faute d’avoir manqué à faire une chose si aisée et de n’avoir point redouté un si grand supplice?
Enfin, pour le dire en un mot, quelle a été la peine de la désobéissance, sinon la désobéissance même? En quoi consiste au fond la misère de l’homme, si ce n’est dans une révolte de soi contre soi, en sorte que, comme il n’a pas voulu ce qu’il pouvait, il veut maintenant ce qu’il ne peut3 ? En effet, bien que dans le paradis il ne fût pas tout-puissant, il ne voulait que ce qu’il pouvait, et ainsi il pouvait tout ce qu’il voulait; mais maintenant, comme dit l’Ecriture, l’homme n’est que vanité4. Qui pourrait compter combien il veut de choses qu’il ne peut, tandis que sa volonté est contraire à elle-même et que sa chair ne lui veut pas obéir? Ne voyons-nous pas qu’il se trouble souvent malgré lui, qu’il souffre malgré lui, qu’il vieillit malgré lui, qu’il meurt malgré lui? Combien endurons-nous de choses que nous n’endurerions pas, si notre nature obéissait en tout à notre volonté? Mais, dit-on, c’est que notre chair est sujette à certaines infirmités qui l’empêchent de nous obéir. Qu’importe la raison pour laquelle notre chair, qui nous était soumise, nous cause de la peine en refusant de nous obéir, puisqu’il est toujours certain que c’est un effet de la juste vengeance de Dieu, à qui nous n’avons pas voulu nous-mêmes être soumis, ce qui du reste n’a pu lui causer aucune peine? Car il n’a pas besoin de notre service comme nous avons besoin de celui de notre corps, et ainsi notre péché n’a fait tort qu’à nous. Pour les douleurs qu’on nomme corporelles, c’est l’âme qui les souffre dans le corps et par son moyen. Et que peut souffrir ou désirer par elle-même une chair sans âme? Quand on dit que la chair souffre ou désire, l’on entend par là ou l’homme entier, comme nous l’avons montré ci-dessus, ou quelque partie de l’âme que la chair affecte d’impressions fâcheuses ou agréables qui produisent en elle un sentiment de douleur onde volupté. Ainsi la douleur du corps n’est autre chose qu’un chagrin de l’âme à cause du corps et la répulsion qu’elle oppose à ce qui se fait dans le corps, comme la douleur de l’âme qu’on nomme tristesse est la répulsion qu’elle oppose aux choses qui arrivent contre son gré. Mais la tristesse est ordinairement précédée de la crainte, qui est aussi dans l’âme et non dans la chair, au lieu que la douleur de la chair n’est précédée d’aucune crainte de la chair qui se sente dans la chair avant la douleur. Pour la volupté, elle est précédée dans la chair même d’un certain aiguillon, comme la faim, la soif et ce libertinage des parties de la génération que l’on nomme convoitise aussi bien que toutes les autres passions. Les anciens ont défini la colère même une convoitise de la vengeance5, quoique parfois un homme se fâche contre des objets qui ne sont pas capables de ressentir sa vengeance, comme quand il rompt en colère une plume qui ne vaut rien. Mais bien que ce désir de vengeance soit plus déraisonnable que les autres, il ne laisse pas d’être une convoitise et d’être même fondé sur quelque ombre de cette justice qui veut que ceux qui font le mal souffrent à leur tour. Il y a donc une convoitise de vengeance qu’on appelle colère; il y a une convoitise d’amasser qu’on nomme avarice; il y a une convoitise de vaincre qu’on appelle opiniâtreté; et il y a une convoitise de se glorifier qu’on appelle vanité. II y en a encore bien d’autres, soit qu’elles aient un nom, soit qu’elles n’en aient point; car quel nom donner à la convoitise de dominer, qui néanmoins est si forte dans l’âme des tyrans, comme les guerres civiles le font assez voir?
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Gen. XXII, 2. ↩
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Philipp. II, 8. ↩
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Vivès pense qu’il y a ici un ressouvenir de ce mot de l’Andrienne : Ne pouvant faire ce que tu veux, tâche de vouloir ce qui se peut (acte II, scène I, v. 5, 6) ». Voyez plus bas, ch. 25. ↩
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Ps. CXLIII, 4. ↩
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Cicéron, Tusc. quaest., lib, III, cap. 6, et lib. IV, cap. 9. ↩