Traduction
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La cité de dieu
CHAPITRE II.
DE LA MORT DE L’ÂME ET DE CELLE DU CORPS.
Mais il me semble qu’il est à propos d’approfondir un peu davantage la nature de la mort. L’âme humaine, quoique immortelle, a néanmoins en quelque façon une mort qui lui est propre. En effet, on ne l’appelle immortelle que parce qu’elle ne cesse jamais de vivre et de sentir, au lieu que le corps est mortel, parce qu’il peut être entièrement privé de vie et qu’il ne vit point par lui-même. La mort de l’âme arrive donc quand Dieu l’abandonne, comme celle du corps quand l’âme le quitte. Et quand l’âme abandonnée de Dieu abandonne le corps, c’est alors la mort de l’homme tout entier, Dieu n’étant plus la vie de l’âme, ni l’âme la vie du corps. Or, cette mort de l’homme tout entier est suivie d’une autre que la sainte Ecriture nomme la seconde mort, et c’est celle dont veut parler le Sauveur lorsqu’il dit : « Craignez celui qui peut faire périr et le corps et l’âme dans la géhenne de feu1 ». Comme cette menace ne peut avoir son effet qu’au temps où l’âme sera tellement unie au corps qu’ils feront un tout indissoluble, on peut trouver étrange que l’Ecriture dise que le corps périt, puisque l’âme ne le quitte point et qu’il reste sensible pour être éternellement tourmenté. Qu’on dise que l’âme meurt dans ce dernier et éternel supplice dont nous parlerons plus amplement ailleurs2, cela s’entend fort bien, puisqu’elle ne vit plus de Dieu; mais comment le dire du corps, lorsqu’il est vivant ? Et il faut bien qu’il le soit pour sentir les tourments qu’il souffrira après la résurrection. Serait-ce que la vie, quelle qu’elle soit, étant un bien, et la douleur un mal, on peut dire qu’un corps ne vit plus, lorsque l’âme ne l’anime que pour le faire souffrir ?.L’âme vit donc de Dieu, quand elle vit bien; car elle ne peut bien vivre qu’en tant que Dieu opère en elle ce qui est bien; et quant au corps, il est vivant, lorsque l’âme l’anime, qu’elle vive de Dieu ou non. Car les méchants ne vivent pas de la vie de l’âme, mais de celle du corps, que l’âme lui communique; et encore que celle-ci soit morte, c’est-à-dire abandonnée de Dieu, elle conserve une espèce de vie qui lui est propre et qu’elle ne perd jamais, d’où vient qu’on la nomme immortelle. Mais en la dernière condamnation, bien que l’homme ne laisse pas de sentir, toutefois, comme ce sentiment ne sera pas agréable, mais douloureux, ce n’est pas sans raison que l’Ecriture l’appelle plutôt une mort qu’une vie. Elle l’appelle la seconde mort, parce qu’elle arrivera après cette première mort qui sépare l’âme, soit de Dieu, soit du corps. On peut donc dire de la première mort du corps, qu’elle est bonne pour les bons et mauvaise pour les méchants, et de la seconde, que, comme elle n’est pas pour les bons, elle ne peut être bonne pour personne.
Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput II: De ea morte, quae animae semper utcumque uicturae accidere potest, et ea, cui corpus obnoxium est.
Sed de ipso genere mortis uideo mihi paulo diligentius disserendum. quamuis enim anima humana ueraciter inmortalis perhibeatur, habet tamen quandam etiam ipsa mortem suam. nam ideo dicitur inmortalis, quia modo quodam quantulocumque non desinit uiuere atque sentire; corpus autem ideo mortale, quoniam deseri omni uita potest nec per se ipsum aliquatenus uiuit. mors igitur animae fit, cum eam deserit deus, sicut corporis, cum id deserit anima. ergo utriusque rei, id est totius hominis, mors est, cum anima deo deserta deserit corpus. ita enim nec ex deo uiuit ipsa nec corpus ex ipsa. huiusmodi autem totius hominis mortem illa sequitur, quam secundam mortem diuinorum eloquiorum appellat auctoritas. hanc saluator significauit, ubi ait: eum timete qui habet potestatem et corpus et animam perdere in gehennam. quod cum ante non fiat, quam cum anima corpori sic fuerit copulata, ut nulla diremptione separentur, mirum uideri potest quomodo corpus ea morte dicatur occidi, qua non anima deseritur, sed animatum sentiens que cruciatur. nam in illa ultima poena ac sempiterna, de qua suo loco diligentius disserendum est, recte mors animae dicitur, quia non uiuit ex deo; mors autem corporis quonam modo, cum uiuat ex anima? non enim aliter potest ipsa corporalia, quae post resurrectionem futura sunt, sentire tormenta. an quia uita qualiscumque aliquod bonum est, dolor autem malum, ideo nec uiuere corpus dicendum est, in quo anima non uiuendi causa est, sed dolendi? uiuit itaque anima ex deo, cum uiuit bene; non enim potest bene uiuere nisi deo in se operante quod bonum est; uiuit autem corpus ex anima, cum anima uiuit in corpore, seu uiuat ipsa seu non uiuat ex deo. inpiorum namque in corporibus uita non animarum, sed corporum uita est; quam possunt eis animae etiam mortuae, hoc est deo deserente, quantulacumque propria uita, ex qua et inmortales sunt, non desistente, conferre. uerum in damnatione nouissima quamuis homo sentire non desinat, tamen, quia sensus ipse nec uoluptate suauis nec quiete salubris, sed dolore poenalis est, non inmerito mors est potius appellata quam uita. ideo autem secunda, quia post illam primam est, qua fit cohaerentium diremptio naturarum, siue dei et anima siue animae et corporis. de prima igitur corporis morte dici potest, quod bonis bona sit, malis mala; secunda uero sine dubio sicut nullorum bonorum est, ita nulli bona.