Übersetzung
ausblenden
La cité de dieu
CHAPITRE XXIV.
CONTRE CEUX QUI PENSENT QU’AU JOUR DU JUGEMENT DIEU PARDONNERA A TOUS LES MÉCHANTS SUR L’INTERCESSION DES SAINTS.
Or, ce raisonnement est aussi concluant contre ceux qui, dans leur propre intérêt, tâchent d’infirmer, les paroles de Dieu, sous prétexte d’une plus grande miséricorde, et qui prétendent que les paroles de l’Ecriture sont vraies, non parce que les hommes doivent souffrir les peines dont il les a menacés, mais parce qu’ils méritent de les souffrir. Dieu se laissera fléchir, disent-ils, à l’intercession des saints, qui, priant alors d’autant plus pour leurs ennemis que leur sainteté sera plus grande , en obtiendront plus aisément le pardon. — Mais pourquoi donc, si leurs prières sont si efficaces, ne les emploieraient-ils pas de même pour les anges à qui le feu éternel est préparé, afin que Dieu révoque son arrêt contre eux et les préserve de ces flammes? Quelqu’un sera-t-il assez hardi pour aller jusque-là et dire que les saints anges se joindront aux saints hommes, devenus égaux aux anges de Dieu, afin d’intercéder pour les anges et pour les hommes condamnés, et d’obtenir que la miséricorde de Dieu les dérobe aux vengeances de sa justice ? Voilà ce qu’aucun catholique n’a dit et ne dira jamais. Autrement il n’y a plus de raison pour que l’Eglise ne prie pas même dès maintenant pour le diable et pour ses anges, puisque Dieu, qui est son maître, lui a commandé de prier pour ses ennemis. La même raison donc qui empêche maintenant l’Eglise de prier pour les mauvais anges qu’elle sait être ses ennemis, l’empêchera alors de prier pour les hommes destinés aux flammes éternelles. Car maintenant elle prie pour les hommes qui sont ses ennemis, parce que c’est encore, le temps d’une pénitence utile. En effet, que demande-t-elle à Dieu pour eux, sinon, comme dit l’Apôtre : « Qu’ils fassent pénitence et qu’ils sortent des pièges du diable qui les tient captifs et en dispose à son gré1?» Que si l’Eglise connaissait ès à présent ceux qui sont prédestinés à aller avec le diable dans le feu éternel, elle prierait aussi peu pour eux que pour lui. Mais, comme elle n’en est pas assurée, elle prie pour tous ses ennemis qui sont ici-bas, quoiqu’elle ne soit pas exaucée pour tous. Car elle n’est exaucée que pour ceux qui, bien que ses ennemis, sont prédestinés à devenir ses enfants par le moyen de ses prières. Mais prie-t-elle pour les âmes de ceux qui meurent dans l’obstination et qui n’entrent point dans son sein? Non, et pourquoi cela, sinon parce qu’elle compte déjà au nombre des complices du diable ceux qui pendant cette vie ne sont pas amis de Jésus-Christ?
C’est donc, je le répète, la même raison qui empêche maintenant l’Eglise de prier pour les mauvais anges qui l’empêchera alors de prier pour les hommes destinés au feu éternel. Et c’est encore pour la même raison que tout en priant maintenant pour les morts en général, elle ne prie pas pourtant pour les méchants et les infidèles qui sont morts. Car, parmi les hommes qui meurent, il en est pour qui les prières de l’Eglise ou de quelques personnes pieuses sont exaucées ; mais ce sont-ceux qui ayant été régénérés en Jésus-Christ, n’ont pas assez mal vécu pour qu’on les juge indignes de cette assistance, ni assez bien pour qu’elle ne leur soit pas nécessaire. Il s’en trouvera aussi, après la résurrection des morts, à qui Dieu fera miséricorde et qu’il n’enverra point dans le feu éternel, à condition qu’ils auront souffert les peines que souffrent les âmes des trépassés. Car il ne serait pas vrai de dire de quelques-uns, qu’il ne leur sera pardonné ni en cette vie, ni dans l’autre, s’il n’y en avait à qui Dieu ne pardonne point en cette vie, mais à qui il pardonnera dans l’autre. Donc, puisque le Juge des vivants et des morts a dit: « Venez, vous que mon Père a bénis, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la naissance du monde » ; et aux autres au contraire: « Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel préparé pour le diable et ses anges » ; et: « Ceux-ci iront au supplice éternel et les justes à la vie éternelle2 », il y a trop de présomption à prétendre que le supplice ne sera éternel pour aucun de ceux que Dieu envoie au supplice éternel, et ce serait donner lieu de désespérer ou de douter de la vie éternelle.
Que personne n’explique donc ces paroles du psaume : « Dieu oubliera-t-il sa clémence ? et sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes3 ? » comme si la sentence de Dieu était vraie à l’égard des bons et fausse à l’égard des méchants, ou vraie à l’égard des hommes de bien et des mauvais anges, et fausse à l’égard des hommes méchants. Ce que dit le psaume se rapporte aux vases de miséricorde et aux enfants de la promesse, du nombre desquels était ce prophète même qui, après avoir dit : « Dieu oubliera-t-il sa clémence ? et sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses miséricordes?» ajoute aussitôt: «Et j’ai dit: Je commence; ce changement est un coup de la droite du Très-Haut4 » ; par où il explique sans doute ce qu’il venait de dire « Sa colère arrêtera-t-elle le cours de ses « miséricordes? » Car cette vie mortelle où l’homme est devenu semblable à la vanité, et où ses jours passent comme une ombre5, est un effet de la colère de Dieu. Et cependant, malgré cette colère, il n’oublie pas de montrer sa miséricorde, en faisant lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes6. Ainsi sa colère n’arrête pas le cours de ses miséricordes, surtout en ses changements dont parle la suite du psaume : « Je commence; ce changement est un coup de la droite du Très-haut ». Quelque misérable, en effet, que soit cette vie, Dieu ne laisse pas d’y changer en mieux les vases de miséricorde ; non que sa colère ne subsiste toujours au milieu de cette malheureuse corruption, mais elle n’arrête pas le cours de sa bonté. Et puisque la vérité du divin cantique se trouve ainsi accomplie, il n’est pas besoin d’en étendre le sens au châtiment de ceux qui n’appartiennent pas à la Cité de Dieu. Si donc l’on persiste à l’interpréter de la sorte, qu’on fasse du moins consister la miséricorde divine, non à préserver les damnés de ces peines ou à les en délivrer, mais à les leur rendre plus légères qu’ils ne le méritent7 : sentiment que je ne prétends pas d’ailleurs établir, me bornant à ne le point rejeter.
Quant à ceux qui ne voient qu’une menace au lieu d’un arrêt effectif dans ces paroles:
« Retirez-vous de moi, maudits, et allez au « feu éternel » ; et dans cet autre passage « Ceux-ci iront au supplice éternel8 »; et encore dans celui-ci : « Ils seront tourmentés dans les siècles des siècles9 » ; et enfin dans cet endroit: « Leur ver ne mourra point, et le feu qui les brûlera ne s’éteindra point10»; ce n’est pas moi qui les combats et qui les réfute, c’est l’Ecriture sainte. En effet, les Ninivites ont fait pénitence en cette vie11; et cela leur a été utile, parce qu’ils ont semé dans ce champ où Dieu a voulu qu’on semât avec larmes pour y moissonner plus tard avec joie12.Qui peut nier toutefois que la prédiction de Dieu n’ait été accomplie, à moins de ne pas considérer assez comment Dieu détruit les pécheurs non-seulement quand il est en colère contre eux, mais aussi quand il leur fait miséricorde ? Il les détruit de deux manières : ou comme les habitants de Sodome, en punissant les hommes mêmes pour leurs péchés, ou comme les habitants de Ninive, en détruisant les péchés des hommes par la pénitence. Ce que Dieu avait annoncé est donc arrivé : la mauvaise Ninive a été renversée, et elle est devenue bonne, ce qu’elle n’était pas ; et, bien que ses murs et ses maisons soient demeurés debout, elle a été ruinée dans ses mauvaises mœurs13. Ainsi, quoique le Prophète ait été contristé de ce que les Ninivites n’avaient pas ressenti l’effet qu’ils appréhendaient de ses menaces et de ses prédictions14, néanmoins ce que Dieu avait prévu arriva, parce qu’il savait bien que cette prédiction devait être accomplie dans un plus favorable sens.
Mais afin que ceux que la miséricorde égare comprennent quelle est la portée de ces paroles de l’Ecriture : « Seigneur, que la douceur que vous avez cachée à ceux qui vous craignent est grande et abondante ! »qu’ils lisent ce qui suit : « Mais vous l’avez consommée en ceux qui espèrent en vous15 ». Qu’est-ce à dire sinon que la justice de Dieu n’est pas douce à ceux qui ne le servent que par la crainte du châtiment, comme font ceux qui veulent établir leur propre justice en la fondant sur la loi ? Ne connaissant pas en effet la justice de Dieu, ils ne la peuvent goûter16. Ils mettent leur espérance en eux-mêmes, au lieu de la mettre en lui ; aussi l’abondance de la douceur de Dieu leur est cachée ; parce que , s’ils craignent Dieu c’est de cette crainte servile qui n’est point accompagnée d’amour, car l’amour parfait bannit la crainte17. Dieu a donc consommé sa douceur en ceux qui espèrent en lui ; il l’a consommée en leur inspirant son amour, afin qu’étant remplis d’une crainte, chaste que l’amour ne bannit pas, mais qui demeure éternellement18, ils ne s’en glorifient que dans le Seigneur. En effet, la justice de Dieu, c’est Jésus-Christ « qui nous a été donné de Dieu pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption, afin que, comme il est écrit, celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur19 ». Cette justice de Dieu, qui est un don de la grâce et non l’effet de nos mérites, n’est pas connue de ceux qui, voulant établir leur propre justice, ne sont point soumis à la justice de Dieu, qui est Jésus-Christ20. C’est dans cette justice que se trouve l’abondance de la douceur de Dieu. De là vient cette parole du psaume : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux21 ! »En ce pèlerinage, nous le goûtons plutôt que nous ne pouvons nous en rassasier, ce qui excite plus fortement encore la faim et la soif que nous en avons, jusqu’au jour où nous le verrons tel qu’il est22, et où cette parole du psalmiste sera accomplie : « Je serai rassasié, quand votre gloire paraîtra23 ». C’est ainsi que Jésus-Christ consomme l’abondance de sa douceur en ceux qui espèrent en lui. Or, si Dieu cache à ceux qui le craignent l’abondance de cette douceur dans le sens où l’entendent nos adversaires, c’est-à-dire afin que la peur d’être damnés engage les impies à bien vivre, de sorte qu’il puisse y avoir des fidèles qui prient pour leurs frères qui vivent mal, comment alors Dieu a-t-il consommé sa douceur en ceux qui espèrent en lui, puisque, selon ces rêveries, c’est par cette douceur même qu’il ne doit pas damner ceux qui n’espèrent pas en lui ? Que le chrétien cherche donc cette douceur que Dieu consomme en ceux qui espèrent en lui, et non celle qu’on s’imagine qu’il consommera en ceux qui le méprisent et le blasphèment; car c’est en vain qu’on cherche en l’autre vie ce qu’on a négligé d’acquérir en celle-ci. Cette parole de l’Apôtre : « Dieu a permis que tous tombassent dans l’infidélité, afin de faire miséricorde à tous », ne veut pas dire que Dieu ne damnera personne, et, après ce qui précède, le sens en est assez clair. Quand saint Paul écrit aux païens convertis, il leur dit, à propos des Juifs qui devaient se convertir dans la suite : « De même qu’autrefois vous n’aviez point foi en Dieu, et que maintenant vous avez obtenu miséricorde, tandis que les Juifs sont demeurés incrédules, ainsi les Juifs n’ont pas cru pendant que vous avez obtenu « miséricorde, afin qu’un jour ils l’obtiennent eux-mêmes24 ». Puis il ajoute ces paroles, dont ceux-ci se servent pour le tromper: « Car Dieu a permis que tous tombassent dans l’infidélité, afin de faire grâce à tous ». Qui donc tous, sinon ceux dont il parlait, c’est-à-dire vous et eux? Dieu a donc laissé tomber dans l’infidélité tous les Gentils et tous les Juifs qu’il a connus et prédestinés pour être conformes à l’image de son fils, afin que, se repentant de leur infidélité et ayant recours à la miséricorde de Dieu, ils pussent s’écrier comme le Psalmiste : « Seigneur, que la douceur que vous avez cachée à ceux qui vous « craignent est grande et abondante! mais « vous l’avez consommée en ceux qui espèrent », non en eux-mêmes, mais « en vous». Il fait donc miséricorde à tous les vases de miséricorde. Qu’est-ce à dire à tous ? évidemment, à ceux qu’il a prédestinés, appelés, justifiés et glorifiés d’entre les Gentils et d’entre les Juifs; c’est de tous ces hommes, et non de tous les hommes, que nul ne sera damné.
-
II Tim. II, 25, 26. ↩
-
Matt. XXV, 34, 41, 46. ↩
-
Ps. LXXVI, 10. ↩
-
Ibid. 11. ↩
-
Ps. CXLIII, 4. ↩
-
Matt. V, 45. ↩
-
C’est aussi le sentiment plusieurs fois exprimé par saint Jean Chrysostome, notamment dans son homélie XXXVII sur la Genèse, n. 3. ↩
-
Matt. XXV, 41, 46. ↩
-
Apoc. XX, 10. ↩
-
Isa. LXVI, 24. ↩
-
Jonas, III, 7. ↩
-
Ps. CXXV, 6. ↩
-
Comp. saint Augustin, Enarrat. in Ps. L, n. 11. ↩
-
Jonas, IV, 1-3. ↩
-
Ps. XXX, 20. ↩
-
Rom. X, 3. ↩
-
Jean, IV, 18. ↩
-
Ps. XVIII, 10. ↩
-
I Cor. I, 30, 31. ↩
-
Rom. X, 3. ↩
-
Ps. XXXII, 9. ↩
-
I Jean, III, 2. ↩
-
Ps. XVI, 15. ↩
-
Rom. XI, 31, 32. ↩
Edition
ausblenden
De civitate Dei (CCSL)
Caput XXIV: Contra eorum sensum, qui in iudicio dei omnibus reis propter sanctorum preces putant esse parcendum.
Hoc autem et aduersus eos ualet, qui suas agentes causas contra dei uenire uerba uelut misericordia maiore conantur, ut ideo uidelicet uera sint, quia ea, quae dixit homines esse passuros, pati digni sunt, non quia passuri sunt. donabit enim eos, inquiunt, precibus sanctorum suorum, etiam tunc tanto magis orantium pro inimicis suis, quanto sunt utique sanctiores, eorumque efficacior est oratio et exauditione dei dignior, iam nullum habentium omnino peccatum. cur ergo eadem perfectissima sanctitate et cuncta inpetrare ualentibus mundissimis et misericordissimis precibus etiam pro angelis non orabunt, quibus paratus est ignis aeternus, ut deus sententiam suam mitiget et reflectat in melius eosque ab illo igne faciat alienos? an erit forsitan quisquam, qui et hoc futurum esse praesumat adfirmans etiam sanctos angelos simul cum sanctis hominibus, qui tunc aequales erunt angelis dei, pro damnandis et angelis et hominibus oraturos, ut misericordia non patiantur, quod ueritate merentur pati? quod nemo sanae fidei dixit, nemo dicturus est. alioquin nulla causa est, cur non etiam nunc pro diabolo et angelis eius oret ecclesia, quam magister deus pro inimicis suis iussit orare. haec igitur causa, qua fit ut nunc ecclesia non oret pro malis angelis, quos suos esse nouit inimicos, eadem ipsa causa est, qua fiet ut in illo tunc iudicio etiam pro hominibus aeterno igne cruciandis, quamuis perfecta sit sanctitate, non oret. nunc enim propterea pro eis orat, quos in genere humano habet inimicos, quia tempus est paenitentiae fructuosae. nam quid maxime pro eis orat, nisi ut det illis deus, sicut dicit apostolus, paenitentiam et resipiscant de diaboli laqueis, a quo captiui tenentur secundum ipsius uoluntatem? denique si de aliquibus ita certa esset, ut qui sint illi etiam nosset, qui licet adhuc in hac uita sint constituti, tamen praedestinati sunt in aeternum ignem ire cum diabolo, tam pro eis non oraret, quam nec pro ipso. sed quia de nullo certa est, orat pro omnibus dumtaxat hominibus inimicis suis in hoc corpore constitutis; nec tamen pro omnibus exauditur. pro his enim solis exauditur, qui, etsi aduersantur ecclesiae, ita sunt tamen praedestinati, ut pro eis exaudiatur ecclesia et filii efficiantur ecclesiae. si qui autem usque ad mortem habebunt cor inpaenitens nec ex inimicis conuertentur in filios, numquid tamen pro eis, id est pro talium defunctorum spiritibus, orat ecclesia? quid ita, nisi quia in parte iam diaboli conputatur, qui cum esset in corpore non est translatus ad Christum? eadem itaque causa est, cur non oretur tunc pro hominibus aeterno igne puniendis, quae causa est, ut neque nunc neque tunc oretur pro angelis malis; quae itidem causa est, ut, quamuis pro hominibus, tamen iam nec nunc oretur pro infidelibus inpiisque defunctis. nam pro defunctis quibusdam uel ipsius ecclesiae uel quorundam piorum exauditur oratio, sed pro his, quorum in Christo regeneratorum nec usque adeo uita in corpore male gesta est, ut tali misericordia iudicentur digni non esse, nec usque adeo bene, ut talem misericordiam reperiantur necessariam non habere; sicut etiam facta resurrectione mortuorum non deerunt, quibus post poenas, quas patiuntur spiritus mortuorum, inpertiatur misericordia, ut in ignem non mittantur aeternum. neque enim de quibusdam ueraciter diceretur, quod non eis remittatur neque in hoc saeculo neque in futuro, nisi essent quibus, etsi non in isto, tamen remittitur in futuro. sed cum dictum fuerit a iudice uiuorum atque mortuorum: uenite, benedicti patris mei, possidete paratum uobis regnum a constitutione mundi, et aliis e contrario: discedite a me, maledicti, in ignem aeternum, qui paratus est diabolo et angelis eius, et ierint isti in supplicium aeternum, iusti autem in uitam aeternam: nimiae praesumptionis est dicere cuiquam eorum aeternum supplicium non futurum, quos deus ituros in supplicium dixit aeternum, et per huius praesumptionis persuasionem facere, ut de ipsa quoque uita uel desperetur uel dubitetur aeterna. nemo itaque sic intellegat psalmum canentem: numquid obliuiscetur misereri deus, aut continebit in ira sua miserationes suas? ut opinetur de hominibus bonis ueram, de malis falsam, aut de bonis hominibus et malis angelis ueram, de malis autem hominibus falsam dei esse sententiam. hoc enim, quod ait psalmus, ad uasa misericordiae pertinet et ad filios promissionis, quorum erat unus etiam ipse propheta, qui cum dixisset: numquid obliuiscetur misereri deus aut continebit in ira sua miserationes suas? continuo subiecit: et dixi: nunc coepi, haec est inmutatio dexterae excelsi. exposuit profecto quid dixerit: numquid continebit in ira sua miserationes suas? ira enim dei est etiam ista uita mortalis, ubi homo uanitati similis factus est: dies eius uelut umbra praetereunt. in qua tamen ira non obliuiscitur misereri deus, faciendo solem suum oriri super bonos et malos et pluendo super iustos et iniustos, ac sic non continet in ira sua miserationes suas; maximeque in eo, quod expressit hic psalmus dicendo: nunc coepi, haec est inmutatio dexterae excelsi, quoniam in hac ipsa aerumnosissima uita, quae ira dei est, uasa misericordiae mutat in melius, quamuis adhuc in huius corruptionis miseria maneat ira eius, quia nec in ipsa ira sua continet miserationes suas. cum ergo isto modo conpleatur diuini illius cantici ueritas, non est eam necesse etiam illic intellegi, ubi non pertinentes ad ciuitatem dei sempiterno supplicio punientur. sed quibus placet istam sententiam usque ad illa inpiorum tormenta protendere, saltem sic intellegant, ut manente in eis ira dei, quae in aeterno est praenuntiata supplicio, non contineat deus in hac ira sua miserationes suas et faciat eos non tanta quanta digni sunt poenarum atrocitate cruciari; non ut eas poenas uel numquam subeant uel aliquando finiant, sed ut eas mitiores quam merita sunt eorum leuioresque patiantur. sic enim et ira dei manebit, et in ipsa ira sua miserationes suas non continebit. quod quidem non ideo confirmo, quoniam non resisto. ceterum eos, qui putant minaciter potius quam ueraciter dictum: discedite a me, maledicti, in ignem aeternum, et: ibunt isti in supplicium aeternum, et: cruciabuntur in saecula saeculorum, et: uermis eorum non morietur et ignis non exstinguetur, et cetera huiusmodi, non tam ego, quam ipsa scriptura diuina planissime atque plenissime redarguit ac refellit. Nineuitae quippe in hac uita egerunt paenitentiam et ideo fructuosam, uelut in hoc agro seminantes, in quo deus uoluit cum lacrimis seminari, quod postea cum laetitia meteretur; et tamen quis negabit, quod dominus praedixit in eis fuisse conpletum, nisi parum aduertat, quemadmodum peccatores deus non solum iratus, uerum etiam miseratus euertat? euertuntur enim peccatores duobus modis, aut sicut Sodomitae, ut pro peccatis suis ipsi homines puniantur, aut sicut Nineuitae, ut ipsa hominum peccata paenitendo destruantur. factum est ergo quod praedixit deus; euersa est Nineue quae mala erat, et bona aedificata est quae non erat. stantibus enim moenibus atque domibus euersa est ciuitas in perditis moribus. ac sic, quamuis propheta fuerit contristatus, quia non est factum quod illi homines timuerunt illo prophetante uenturum, factum est tamen quod fuerat deo praesciente praedictum, quoniam nouerat qui praedixit, quomodo in melius esset inplendum. ut autem nouerint isti in peruersum misericordes quo pertineat quod scriptum est: quam multa multitudo dulcedinis tuae, domine, quam abscondisti timentibus te. legant quod sequitur: perfecisti autem sperantibus in te. quid est abscondisti timentibus, perfecisti sperantibus, nisi quia illis, qui timore poenarum suam iustitiam uolunt constituere quae in lege est, non est iustitia dei dulcis, quia nesciunt eam? non enim gustauerunt eam. in se namque sperant, non in ipso, et ideo eis absconditur multitudo dulcedinis dei; quoniam timent quidem deum, sed illo timore seruili, qui non est in caritate, quia perfecta caritas foras mittit timorem. ideo sperantibus in eum perficit dulcedinem suam inspirando eis caritatem suam, ut timore casto, non quem caritas foras mittit, sed permanente in saeculum saeculi, cum gloriantur, in domino glorientur. iustitia quippe dei Christus est, qui factus est nobis, sicut dicit apostolus, sapientia a deo et iustitia et sanctificatio et redemptio, ut, quemadmodum scriptum est, qui gloriatur, in domino glorietur. hanc dei iustitiam, quam donat gratia sine meritis, nesciunt illi, qui suam iustitiam uolunt constituere, et ideo iustitiae dei, quod est Christus, non sunt subiecti. in qua iustitia est multa multitudo dulcedinis dei, propter quam dicitur in psalmo: gustate et uidete quam dulcis est dominus. et hanc quidem in hac peregrinatione gustantes, non ad satietatem sumentes, esurimus eam potius ac sitimus, ut ea postea saturemur, cum uidebimus eum, sicuti est, et inplebitur quod scriptum est: saturabor, cum manifestabitur gloria tua. ita perficit Christus multam multitudinem dulcedinis suae sperantibus in eum. porro autem si eam, quam illi putant, dulcedinem suam deus abscondit timentibus eum, qua non est inpios damnaturus, ut hoc nescientes et damnari timentes recte uiuant ac sic possint esse qui orent pro non recte uiuentibus, quomodo eam perficit sperantibus in eum, quandoquidem, sicut somniant, per hanc dulcedinem non damnaturus est eos, qui non sperant in eum? illa igitur eius dulcedo quaeratur, quam perficit sperantibus in eum, non quam perficere putatur contemnentibus et blasphemantibus eum. frustra itaque homo post hoc corpus inquirit, quod in hoc corpore sibi conparare neglexit. illud quoque apostolicum: conclusit enim deus omnes in infidelitate, ut omnium misereatur, non ideo dictum est, quod sit neminem damnaturus, sed superius apparet unde sit dictum. nam cum de Iudaeis postea credituris apostolus loqueretur ad gentes, ad quas utique iam credentes conscribebat epistulas: sicut enim uos, inquit, aliquando non credidistis deo, nunc autem misericordiam consecuti estis illorum incredulitate, sic et hi nunc non crediderunt in uestram misericordiam, ut et ipsi misericordiam consequantur. deinde subiecit, unde isti sibi errando blandiuntur, atque ait: conclusit enim deus omnes in infidelitate, ut omnium misereatur. quos omnes, nisi de quibus loquebatur, tamquam dicens: et uos et illos? deus ergo et gentiles et Iudaeos, quos praesciuit et praedestinauit conformes imaginis filii sui, omnes in infidelitate conclusit, ut de amaritudine infidelitatis suae paenitendo confusi et ad dulcedinem misericordiae dei credendo conuersi clamarent illud in psalmo: quam multa multitudo dulcedinis tuae, domine, quam abscondisti timentibus te, perfecisti autem sperantibus, non in se, sed in te. omnium itaque miseretur uasorum misericordiae. quid est omnium? et eorum scilicet quos ex gentibus, et eorum quos ex Iudaeis praedestinauit uocauit, iustificauit glorificauit, non hominum omnium, sed istorum omnium neminem damnaturus.