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La cité de dieu
CHAPITRE XXIV.
DES BIENS DONT LE CRÉATEUR A REMPLI CETTE VIE, TOUTE EXPOSÉE QU’ELLE SOIT A LA DAMNATION.
Cependant, il faut louer la justice de Dieu dans ces misères mêmes qui affligent le genre humain; car de quelle multitude de biens sa bonté n’a-t-elle pas aussi rempli cette vie ! D’abord, il n’a pas voulu arrêter, même après le péché, l’effet de cette bénédiction qu’il a répandue sur les hommes, en leur disant: « Croissez et multipliez et remplissez la terre1», La fécondité est demeurée dans une race justement condamnée; et bien que le péché nous ait imposé la nécessité de mourir, il n’a pas pu nous ôter cette vertu admirable des semences, ou plutôt cette vertu encore plus admirable qui les produit, et qui est profondément enracinée et comme entée dans la substance du corps. Mais dans ce fleuve ou ce torrent qui emporte les générations humaines, le mal et le bien se mêlent toujours: le mal que nous devons à notre premier père, le bien que nous devons à la bonté du Créateur. Dans le mal originel, il y a deux choses : le péché et le supplice; et il y en a deux autres dans le bien originel : la propagation et la conformation. J’ai déjà parlé suffisamment de ce double mal, je veux dire du péché, qui vient de notre audace, et du supplice, qui est l’effet du jugement de Dieu, J’ai dessein maintenant de parler des biens que Dieu a communiqués ou communique encore à notre nature, toute corrompue et condamnée qu’elle est. En la condamnant, il ne lui a pas ôté tout ce qu’il lui avait donné : autrement, elle ne serait plus du tout; et, en l’assujétissant au démon pour la punir, il ne s’est pas privé du pouvoir qu’il avait sur elle, puisqu’il a toujours conservé son empire sur le démon lui. même, qui d’ailleurs ne subsisterait pas un instant sans celui qui est l’être souverain et le principe de tous les êtres.
De ces deux biens qui se répandent du sein de sa bonté, comme d’une source féconde, sur la nature humaine, même corrompue et condamnée, le premier, la propagation, fut le premier don que Dieu accorda à l’homme en le bénissant, lorsqu’il fit les premiers ouvrages du monde, dont il se reposa le septième jour. Pour la conformation, il la lui donne sans cesse par son action continuellement créatrice2. S’il venait à retirer à soi sa puissance efficace, ses créatures ne pourraient aller au delà, ni accomplir la durée assignée à leurs mouvements mesurés, ni même conserver l’être qu’elles ont reçu. Dieu a donc créé l’homme de telle façon qu’il lui a donné le pouvoir de se reproduire, sans néanmoins l’y obliger; et s’il a ôté ce pouvoir à quelques-uns, en les rendant stériles, il ne l’a pas ôté au genre humain. Toutefois, bien que cette faculté soit restée à l’homme, malgré son péché, elle n’est pas telle qu’elle aurait été, s’il n’avait jamais péché. Car depuis que l’homme est déchu par sa désobéissance de cet état de gloire où il avait été créé, il est devenu semblable aux bêtes3 et engendre comme elles, gardant toujours en lui cependant cette étincelle de raison qui fait qu’il est encore créé à l’image de Dieu. Mais si la conformation ne se joignait pas à la propagation, celle-ci demeurerait oisive et ne pourrait accomplir son ouvrage. Dieu en effet avait-il besoin pour peupler la terre que l’homme et la femme eussent commerce ensemble? il lui suffisait de créer plusieurs hommes comme il avait créé le premier. Et maintenant même, le mâle et la femelle pourraient s’accoupler, et n’engendreraient rien, sans l’action créatrice de Dieu. De même que l’Apôtre a dit de l’institution spirituelle qui forme l’homme à la piété et à la justice : « Ce n’est ni celui qui plante, ni celui qui arrose, qui est quelque chose, mais Dieu, qui donne l’accroissement4 »; ainsi l’on peut dire que ce n’est point l’homme, dans l’union conjugale, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne l’être; que ce n’est point la mère, bien qu’elle porte son fruit - dans son sein et le nourrisse, qui est quelque chose, mais Dieu qui donne l’accroissement. Lui seul, par l’action qu’il exerce maintenant encore, fait que les semences se développent, et sortent de ces plis secrets et invisibles qui les tenaient cachées, pour exposer à nos yeux les beautés visibles que nous admirons. Lui seul, liant ensemble par des noeuds admirables la nature spirituelle et la nature corporelle, l’une pour commander, l’autre pour obéir, compose l’être animé, ouvrage si grand et si merveilleux, que non-seulement l’homme, qui est un animal raisonnable, et par conséquent plus noble et plus excellent que tous les animaux de la terre, mais la moindre petite mouche ne peut être attentivement considérée sans étonner l’intelligence et faire louer le Créateur.
C’est donc lui qui a donné à l’âme humaine cet entendement où la raison et l’intelligence sont comme assoupies dans les enfants, pour se réveiller et s’exercer avec l’âge, afin qu’ils soient capables de connaître la vérité et d’aimer le bien, et qu’ils acquièrent ces vertus de prudence, de force, de tempérance et de justice nécessaires pour combattre les erreurs et les autres vices, et pour les vaincre par le seul désir du Bien immuable et souverain. Que si cette capacité n’a pas toujours son effet dans la créature raisonnable, qui peut néanmoins exprimer ou seulement concevoir la grandeur du bien renfermé dans ce merveilleux ouvrage du Tout-Puissant? Outre l’art de bien vivre et d’arriver à la félicité immortelle, art sublime qui s’appelle la vertu, et que la seule grâce de Dieu en Jésus-Christ donne aux enfants de la promesse et du royaume, l’esprit humain n’a-t-il pas inventé une infinité d’arts qui font bien voir qu’un entendement si actif, si fort et si étendu, même en les choses superflues ou nuisibles, doit avoir un grand fonds de bien dans sa nature, pour avoir pu y trouver tout cela? Jusqu’où n’est pas allée l’industrie des hommes dans l’art de former des tissus, d’élever des bâtiments, dans l’agriculture et la navigation? Que d’imagination -et de perfection dans ces vases de toutes formes, dans cette multitude de tableaux et de statues! Quelles merveilles ne se font pas sur la scène, qui semblent incroyables à qui n’en a pas été témoin! Que de ressources et de ruses pour prendre, tuer ou dompter les bêtes farouches! Combien de sortes de poisons, d’armes, de machines, les hommes n’ont-ils pas inventées contre les hommes mêmes! combien de secours et de remèdes pour conserver la santé! combien d’assaisonnements et de mets pour le plaisir de la bouche et pour réveiller l’appétit! Quelle diversité de signes pour exprimer et faire agréer ses pensées, et au premier rang, la parole et l’écriture ! quelle richesse d’ornements dans l’éloquence et la poésie pour réjouir l’esprit et pour charmer l’oreille, sans parler de tant d’instruments de musique, de tant d’airs et de chants ! Quelle connaissance admirable des mesures et des nombres ! quelle sagacité (539) d’esprit dans la découverte des harmonies et des révolutions des globes célestes ! Enfin, qui pourrait dire toutes les connaissances dont l’esprit humain s’est enrichi touchant les choses naturelles, surtout si on voulait insister sur chacune en particulier, au lieu de les rapporter en général ? Pour défendre même des erreurs et des faussetés, combien les philosophes et les hérétiques n’ont-ils pas fait paraître d’esprit? car nous ne parlons maintenant que de la nature de l’entendement qui sert d’ornement à cette vie mortelle, et non de la foi et de la vérité par lesquelles on acquiert la vie immortelle. Certes une nature excellente, ayant pour auteur un Dieu également juste et puissant, qui gouverne lui-même tous ses ouvrages, ne serait jamais tombée dans ces misères, et de ces misères n’irait point (les seuls justes exceptés) dans tous les tourments éternels, si elle n’avait été corrompue originairement dans le premier homme, d’où sont sortis tous les autres, par quelque grand et énorme péché.
Si nous considérons notre corps même, bien qu’il meure comme celui des bêtes, qui l’ont souvent plus robuste que nous, quelle bonté et quelle providence de Dieu y éclatent de toutes parts? Les organes des sens et les autres membres n’y sont-ils pas tellement dis-pesés, sa forme et sa stature si bien ordonnées, qu’il paraît clairement avoir été fait pour le service et le ministère d’une âme raisonnable? L’homme n’a pas été créé courbé vers la terre, comme les animaux sans raison; mais sa stature droite et élevée l’avertit de porter ses pensées et ses désirs vers le ciel5. D’ailleurs cette merveilleuse vitesse donnée à la langue et à la main pour parler et pour écrire, et pour exécuter tant de choses, ne montre-t-elle pas combien est excellente l’âme qui a reçu un corps si bien fait pour serviteur ? que dis-je ? et quand bien même le corps n’aurait pas besoin d’agir, les proportions en sont observées avec tant d’art et de justesse, qu’il serait difficile de décider si, dans sa structure, Dieu a eu plus d’égard à l’utilité qu’à la beauté. Au moins n’y voyons-nous rien d’utile qui ne soit beau tout à la fois : ce qui nous serait plus, évident encore, si nous connaissions les rapports et les proportions que toutes les parties ont entre elles, et dont nous pouvons découvrir quelque chose par ce que nous voyons au dehors. Quant à ce qui est caché, comme l’enlacement des veines, des nerfs, des muscles, des fibres, personne ne le saurait connaître. En effet, bien que les anatomistes aient disséqué des cadavres, et quelquefois même se soient cruellement exercés sur des hommes vivants6 pour fouiller dans les parties les plus secrètes du corps humain, et apprendre ainsi à les guérir, toutefois, comment aucun d’entre eux aurait-il trouvé cette proportion admirable dont nous parlons, et que les Grecs appellent harmonie, puisqu’ils ne l’ont pas seulement osé chercher? Si nous pouvions la connaître dans les entrailles, qui n’ont aucune beauté apparente, nous y trouverions quelque chose de plus beau et qui satisferait plus notre esprit que tout ce qui flatte le plus agréablement nos yeux dans la figure extérieure du corps. Or, il y a certaines parties dans le corps qui ne sont que pour l’ornement et non pas pour l’usage, comme les mamelles de l’homme, et la barbe, qui n’est pas destinée à le défendre, puisque autrement les femmes, qui sont plus faibles, devraient en avoir. Si donc il n’y a aucun membre, de tous ceux qui paraissent, qui n’orne le corps autant qu’il le sert, et s’il y en a même qui ne sont que pour l’ornement et je pense que l’on comprend aisément que, dans la structure du corps, Dieu a eu plus d’égard à la beauté qu’à la nécessité. En effet, le temps de la nécessité passera, et il en viendra un autre, où nous ne jouirons que de la beauté de nos semblables, sans aucune concupiscence: digne sujet de louanges envers le Créateur, à qui il est dit dans le psaume : « Vous vous êtes revêtu de gloire et de splendeur7 !»
Que dire de tant d’autres choses également belles et utiles qui remplissent l’univers et dont la bonté de Dieu a donné l’usage et le spectacle à l’homme, tout condamné qu’il soit à tant de peines et à tant de misères? Parlerai-je de ce vif éclat de la lumière, de la magnificence du soleil, de la lune et des étoiles, de ces sombres beautés des forêts, des couleurs et des parfums des fleurs, de cette multitude d’oiseaux si différents de chant et de plumage, de cette diversité infinie d’animaux dont les plus petits sont les plus admirables ? car les ouvrages d’une fourmi et d’une abeille nous étonnent plus que le corps gigantesque d’une baleine. Parlerai-je de la mer, qui fournit toute seule un si grand spectacle à nos yeux, et des diverses couleurs dont elle se couvre comme d’autant d’habits différents, tantôt verte, tantôt bleue, tantôt pourprée ? Combien même y a-t-il de plaisir à la voir en courroux, pourvu que l’on se sente à l’abri de ses flots? Que dire de cette multitude de mets différents qu’on a trouvés pour apaiser la faim, de ces divers assaisonnements que nous offre la libéralité de la nature contre le dégoût, sans recourir à l’art des cuisiniers, de cette infinité de remèdes qui servent à conserver ou à rétablir la santé, de cette agréable vicissitude des jours et des nuits, de ces doux zéphyrs qui tempèrent les chaleurs de l’été, et de mille sortes de vêtements que nous fournissent les arbres et les animaux ? Qui peut tout décrire? et si je voulais même étendre çe peu que je me borne à indiquer, combien de temps ne me faudrait-il pas? car il n’y a pas une de ces merveilles qui n’en comprenne plusieurs. Et ce ne sont là pourtant que les consolations de misérables condamnés et non les récompenses des bienheureux; quelles seront donc ces récompenses? qu’est-ce que Dieu donnera à ceux qu’il prédestine à la vie, s’il donne tant ici-bas à ceux qu’il a prédestinés à la mort? de quels biens ne comblera-t-il point en la vie bienheureuse ceux pour qui il a voulu que son Fils unique souffrît tant de maux et la mort même en cette vie mortelle et misérable? Aussi l’Apôtre, parlant de ceux qui sont prédestinés au royaume céleste « Que ne nous donnera-t-il point, dit-il, après « n’avoir pas épargné son propre Fils, et l’avoir « livré à la mort pour nous tous8 ? » Quand cette promesse sera accomplie, quels biens n’avons-nous pas à espérer dans ce royaume, ayant déjà reçu pour gage la mort d’un Dieu? En quel état sera l’homme lorsqu’il n’aura plus de passions à combattre et qu’il sera dans une paix parfaite avec lui-même? Ne connaîtra-t-il pas certainement toutes choses sans peine et sans erreur, lorsqu’il puisera la sagesse de Dieu à sa source même? Que sera son corps, lorsque, parfaitement soumis à l’esprit dont il tirera une vie abondante, il n’aura plus besoin d’aliments ? il ne sera plus animal, mais spirituel, gardant, il est vrai, la substance de la chair, mais exempt désormais de toute corruption charnelle.
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Gen. I, 28. ↩
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Jean, VI, 17. ↩
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Ps. XLVIII, 13. ↩
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I Cor. III, 7. ↩
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On se souvient du vers célèbre d’Ovide et de ce beau passage de Platon dans le Timée : « Quant à celle de nos âmes qui est la plus puissante en nous ( le nous la raison), voici ce qu’il en faut penser : c’est que Dieu, l’a donnée chacun de nous comme un génie ; nous disons qu’elle habite le lieu le plus élevé de notre corps, parce que nous pensons avec raison qu’elle novas élève de la terre vers le ciel, notre patrie, car nous sommes une plante du ciel et non de la terre. Dieu, en élevant notre tête, et ce qui est pour nous comme la racine de notre être, vers le lieu où l’âme a été primitivement engendrée, dirige ainsi tout le corps (trad. de M. Cousin, tome XII, p. 239) ». ↩
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Celse fait honneur aux célèbres médecins Hérophile et Erasistrate d’avoir pratiqué des vivisections sur des criminels condamnés à mort (De Medic, paef., page 11 de l’édition de Paris, 1823 ). ↩
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Ps. CIII, 1. ↩
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Rom. VIII, 32. ↩
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The City of God
Chapter 24.--Of the Blessings with Which the Creator Has Filled This Life, Obnoxious Though It Be to the Curse.
But we must now contemplate the rich and countless blessings with which the goodness of God, who cares for all He has created, has filled this very misery of the human race, which reflects His retributive justice. That first blessing which He pronounced before the fall, when He said, "Increase, and multiply, and replenish the earth," 1 He did not inhibit after man had sinned, but the fecundity originally bestowed remained in the condemned stock; and the vice of sin, which has involved us in the necessity of dying, has yet not deprived us of that wonderful power of seed, or rather of that still more marvellous power by which seed is produced, and which seems to be as it were inwrought and inwoven in the human body. But in this river, as I may call it, or torrent of the human race, both elements are carried along together,--both the evil which is derived from him who begets, and the good which is bestowed by Him who creates us. In the original evil there are two things, sin and punishment; in the original good, there are two other things, propagation and conformation. But of the evils, of which the one, sin, arose from our audacity, and the other, punishment, from God's judgment, we have already said as much as suits our present purpose. I mean now to speak of the blessings which God has conferred or still confers upon our nature, vitiated and condemned as it is. For in condemning it He did not withdraw all that He had given it, else it had been annihilated; neither did He, in penally subjecting it to the devil, remove it beyond His own power; for not even the devil himself is outside of God's government, since the devil's nature subsists only by the supreme Creator who gives being to all that in any form exists.
Of these two blessings, then, which we have said flow from God's goodness, as from a fountain, towards our nature, vitiated by sin and condemned to punishment, the one, propagation, was conferred by God's benediction when He made those first works, from which He rested on the seventh day. But the other, conformation, is conferred in that work of His wherein "He worketh hitherto." 2 For were He to withdraw His efficacious power from things, they should neither be able to go on and complete the periods assigned to their measured movements, nor should they even continue in possession of that nature they were created in. God, then, so created man that He gave him what we may call fertility, whereby he might propagate other men, giving them a congenital capacity to propagate their kind, but not imposing on them any necessity to do so. This capacity God withdraws at pleasure from individuals, making them barren; but from the whole race He has not withdrawn the blessing of propagation once conferred. But though not withdrawn on account of sin, this power of propagation is not what it would have been had there been no sin. For since "man placed in honor fell, he has become like the beasts," 3 and generates as they do, though the little spark of reason, which was the image of God in him, has not been quite quenched. But if conformation were not added to propagation, there would be no reproduction of one's kind. For even though there were no such thing as copulation, and God wished to fill the earth with human inhabitants, He might create all these as He created one without the help of human generation. And, indeed, even as it is, those who copulate can generate nothing save by the creative energy of God. As, therefore, in respect of that spiritual growth whereby a man is formed to piety and righteousness, the apostle says, "Neither is he that planteth anything, neither he that watereth, but God that giveth the increase," 4 so also it must be said that it is not he that generates that is anything, but God that giveth the essential form; that it is not the mother who carries and nurses the fruit of her womb that is anything, but God that giveth the increase. For He alone, by that energy wherewith "He worketh hitherto," causes the seed to develop, and to evolve from certain secret and invisible folds into the visible forms of beauty which we see. He alone, coupling and connecting in some wonderful fashion the spiritual and corporeal natures, the one to command, the other to obey, makes a living being. And this work of His is so great and wonderful, that not only man, who is a rational animal, and consequently more excellent than all other animals of the earth, but even the most diminutive insect, cannot be considered attentively without astonishment and without praising the Creator.
It is He, then, who has given to the human soul a mind, in which reason and understanding lie as it were asleep during infancy, and as if they were not, destined, however, to be awakened and exercised as years increase, so as to become capable of knowledge and of receiving instruction, fit to understand what is true and to love what is good. It is by this capacity the soul drinks in wisdom, and becomes endowed with those virtues by which, in prudence, fortitude, temperance, and righteousness, it makes war upon error and the other inborn vices, and conquers them by fixing its desires upon no other object than the supreme and unchangeable Good. And even though this be not uniformly the result, yet who can competently utter or even conceive the grandeur of this work of the Almighty, and the unspeakable boon He has conferred upon our rational nature, by giving us even the capacity of such attainment? For over and above those arts which are called virtues, and which teach us how we may spend our life well, and attain to endless happiness,--arts which are given to the children of the promise and the kingdom by the sole grace of God which is in Christ,--has not the genius of man invented and applied countless astonishing arts, partly the result of necessity, partly the result of exuberant invention, so that this vigor of mind, which is so active in the discovery not merely of superfluous but even of dangerous and destructive things, betokens an inexhaustible wealth in the nature which can invent, learn, or employ such arts? What wonderful--one might say stupefying--advances has human industry made in the arts of weaving and building, of agriculture and navigation! With what endless variety are designs in pottery, painting, and sculpture produced, and with what skill executed! What wonderful spectacles are exhibited in the theatres, which those who have not seen them cannot credit! How skillful the contrivances for catching, killing, or taming wild beasts! And for the injury of men, also, how many kinds of poisons, weapons, engines of destruction, have been invented, while for the preservation or restoration of health the appliances and remedies are infinite! To provoke appetite and please the palate, what a variety of seasonings have been concocted! To express and gain entrance for thoughts, what a multitude and variety of signs there are, among which speaking and writing hold the first place! what ornaments has eloquence at command to delight the mind! what wealth of song is there to captivate the ear! how many musical instruments and strains of harmony have been devised! What skill has been attained in measures and numbers! with what sagacity have the movements and connections of the stars been discovered! Who could tell the thought that has been spent upon nature, even though, despairing of recounting it in detail, he endeavored only to give a general view of it? In fine, even the defence of errors and misapprehensions, which has illustrated the genius of heretics and philosophers, cannot be sufficiently declared. For at present it is the nature of the human mind which adorns this mortal life which we are extolling, and not the faith and the way of truth which lead to immortality. And since this great nature has certainly been created by the true and supreme God, who administers all things He has made with absolute power and justice, it could never have fallen into these miseries, nor have gone out of them to miseries eternal, --saving only those who are redeemed,--had not an exceeding great sin been found in the first man from whom the rest have sprung.
Moreover, even in the body, though it dies like that of the beasts, and is in many ways weaker than theirs, what goodness of God, what providence of the great Creator, is apparent! The organs of sense and the rest of the members, are not they so placed, the appearance, and form, and stature of the body as a whole, is it not so fashioned, as to indicate that it was made for the service of a reasonable soul? Man has not been created stooping towards the earth, like the irrational animals; but his bodily form, erect and looking heavenwards, admonishes him to mind the things that are above. Then the marvellous nimbleness which has been given to the tongue and the hands, fitting them to speak, and write, and execute so many duties, and practise so many arts, does it not prove the excellence of the soul for which such an assistant was provided? And even apart from its adaptation to the work required of it, there is such a symmetry in its various parts, and so beautiful a proportion maintained, that one is at a loss to decide whether, in creating the body, greater regard was paid to utility or to beauty. Assuredly no part of the body has been created for the sake of utility which does not also contribute something to its beauty. And this would be all the more apparent, if we knew more precisely how all its parts are connected and adapted to one another, and were not limited in our observations to what appears on the surface; for as to what is covered up and hidden from our view, the intricate web of veins and nerves, the vital parts of all that lies under the skin, no one can discover it. For although, with a cruel zeal for science, some medical men, who are called anatomists, have dissected the bodies of the dead, and sometimes even of sick persons who died under their knives, and have inhumanly pried into the secrets of the human body to learn the nature of the disease and its exact seat, and how it might be cured, yet those relations of which I speak, and which form the concord, 5 or, as the Greeks call it, "harmony," of the whole body outside and in, as of some instrument, no one has been able to discover, because no one has been audacious enough to seek for them. But if these could be known, then even the inward parts, which seem to have no beauty, would so delight us with their exquisite fitness, as to afford a profounder satisfaction to the mind--and the eyes are but its ministers--than the obvious beauty which gratifies the eye. There are some things, too, which have such a place in the body, that they obviously serve no useful purpose, but are solely for beauty, as e.g. the teats on a man's breast, or the beard on his face; for that this is for ornament, and not for protection, is proved by the bare faces of women, who ought rather, as the weaker sex, to enjoy such a defence. If, therefore, of all those members which are exposed to our view, there is certainly not one in which beauty is sacrificed to utility, while there are some which serve no purpose but only beauty, I think it can readily be concluded that in the creation of the human body comeliness was more regarded than necessity. In truth, necessity is a transitory thing; and the time is coming when we shall enjoy one another's beauty without any lust,--a condition which will specially redound to the praise of the Creator, who, as it is said in the psalm, has "put on praise and comeliness." 6
How can I tell of the rest of creation, with all its beauty and utility, which the divine goodness has given to man to please his eye and serve his purposes, condemned though he is, and hurled into these labors and miseries? Shall I speak of the manifold and various loveliness of sky, and earth, and sea; of the plentiful supply and wonderful qualities of the light; of sun, moon, and stars; of the shade of trees; of the colors and perfume of flowers; of the multitude of birds, all differing in plumage and in song; of the variety of animals, of which the smallest in size are often the most wonderful,--the works of ants and bees astonishing us more than the huge bodies of whales? Shall I speak of the sea, which itself is so grand a spectacle, when it arrays itself as it were in vestures of various colors, now running through every shade of green, and again becoming purple or blue? Is it not delightful to look at it in storm, and experience the soothing complacency which it inspires, by suggesting that we ourselves are not tossed and shipwrecked? 7 What shall I say of the numberless kinds of food to alleviate hunger, and the variety of seasonings to stimulate appetite which are scattered everywhere by nature, and for which we are not indebted to the art of cookery? How many natural appliances are there for preserving and restoring health! How grateful is the alternation of day and night! how pleasant the breezes that cool the air! how abundant the supply of clothing furnished us by trees and animals! Who can enumerate all the blessings we enjoy? If I were to attempt to detail and unfold only these few which I have indicated in the mass, such an enumeration would fill a volume. And all these are but the solace of the wretched and condemned, not the rewards of the blessed. What then shall these rewards be, if such be the blessings of a condemned state? What will He give to those whom He has predestined to life, who has given such things even to those whom He has predestined to death? What blessings will He in the blessed life shower upon those for whom, even in this state of misery, He has been willing that His only-begotten Son should endure such sufferings even to death? Thus the apostle reasons concerning those who are predestined to that kingdom: "He that spared not His own Son, but delivered Him up for us all, how shall He not with Him also give us all things?" 8 When this promise is fulfilled, what shall we be? What blessings shall we receive in that kingdom, since already we have received as the pledge of them Christ's dying? In what condition shall the spirit of man be, when it has no longer any vice at all; when it neither yields to any, nor is in bondage to any, nor has to make war against any, but is perfected, and enjoys undisturbed peace with itself? Shall it not then know all things with certainty, and without any labor or error, when unhindered and joyfully it drinks the wisdom of God at the fountain-head? What shall the body be, when it is in every respect subject to the spirit, from which it shall draw a life so sufficient, as to stand in need of no other nutriment? For it shall no longer be animal, but spiritual, having indeed the substance of flesh, but without any fleshly corruption.
-
Gen. i. 28. ↩
-
John v. 17. ↩
-
Ps. xlix. 20. ↩
-
1 Cor. iii. 7. ↩
-
Coaptatio, a word coined by Augustin, and used by him again in the De Trin. iv. 2. ↩
-
Ps. civ. 1. ↩
-
He apparently has in view the celebrated passage in the opening of the second book of Lucretius. The uses made of this passage are referred to by Lecky, Hist. of European Morals, i. 74. ↩
-
Rom. viii. 32. ↩