CHAPITRE XLIX
LES ÉLUS ET LES RÉPROUVÉS SONT MÊLÉS EN SEMBLE ICI-BAS.
Dans ce siècle pervers, en ces tristes jours où l’Eglise, par des humiliations passagères, s’acquiert une grandeur immortelle pour l’avenir et est exercée par une infinité de craintes, de douleurs, de travaux et de tentations, sans avoir d’autre joie que l’espérance, si elle se réjouit comme il faut, beaucoup de réprouvés sont mêlés avec les élus, et les uns et les autres renfermés en quelque sorte dans ce filet de l’Evangile1, nagent pêle-mêle à travers l’océan du monde, jusqu’à ce que tous arrivent au rivage, où les méchants seront séparés des bons, alors que Dieu habitera dans les bons comme dans son temple, pour y être tout en tous2. Ainsi, nous voyons s’accomplir cette parole de celui qui disait dans le psaume: « J’ai publié et annoncé partout, et ils se sont « multipliés sans nombre3 ». C’est ce qui arrive maintenant, depuis qu’il a publié et annoncé, d’abord par la bouche de Jean-Baptiste son précurseur4 et en second lieu par la sienne propre : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche5 ». Le Seigneur donc fit choix de quelques disciples qu’il nomma apôtres, sans naissance, sans considération, sans lettres, afin d’être et de faire en eux tout ce qu’ils seraient et feraient de grand. Parmi eux se trouva un méchant; mais le Sauveur, usant bien d’une mauvaise créature, se servit d’elle pour accomplir ce qui était ordonné touchant sa passion, et pour apprendre, par son exemple, à son Eglise à supporter les méchants. Ensuite, après avoir jeté les semences de l’Evangile, il souffrit, mourut et ressuscita, montrant par sa passion ce que nous devons endurer pour la vérité, et par sa résurrection ce que nous devons espérer pour l’éternité, sans parler du profond mystère de son sang répandu pour la rémission des péchés. Il conversa quarante jours sur la terre avec ses disciples, et monta au ciel devant leurs yeux; et dix jours après, il leur envoya, suivant sa promesse, l’Esprit-Saint de son père, dont la venue sur les fidèles est marquée par ce signe suprême et nécessaire qu’ils parlaient toute sorte de langues[^6], figure de l’unité de l’Eglise catholique, qui devait se répandre dans tout l’univers et parler les langues de tous les peuples.
