CHAPITRE X.
QUELLE RÉCOMPENSE EST PRÉPARÉE AUI SAINTS QUI ONT SURMONTÉ LES TENTATIONS DE CETTE VIE.
Les saints mêmes et les fidèles adorateurs du seul vrai Dieu ne sont pas à couvert de la fourberie des démons et de leurs tentations toujours renaissantes. Mais cette épreuve ne leur est pas inutile pour exciter leur vigilance et leur faire désirer avec plus d’ardeur le séjour où l’on jouit d’une paix et d’une félicité accomplies. C’est là, en effet, que le corps et l’âme recevront du Créateur universel des natures toutes les perfections dont la leur est capable, l’âme étant guérie par la sagesse et le corps renouvelé par la résurrection. C’est là que les vertus n’auront plus de vices à combattre, ni de maux à supporter, mais qu’elles posséderont, pour prix de leur victoire, une paix éternelle qu’aucune puissance ennemie ne viendra troubler. Voilà la béatitude finale, voilà le terme suprême et définitif de la perfection. Le monde nous appelle heureux quand nous jouissons de la paix, telle qu’elle peut être en ce monde, c’est-à-dire telle qu’une bonne vie la peut donner; mais cette béatitude, au prix de celle dont nous parlons, est une véritable misère. Or, cette paix imparfaite, quand nous la possédons, quel est le devoir de la vertu, sinon de faire un bon usage des biens qu’elle nous procure? Et, quand elle vient à nous manquer, la vertu peut encore bien user des maux mêmes de notre condition mortelle. La vraie vertu consiste donc à faire un bon usage des biens et des maux de cette vie, avec cette condition essentielle de rapporter tout ce qu’elle fait et de se rapporter elle-même à la fin dernière qui nous doit mettre en possession d’une parfaite et incomparable paix.