Traduction
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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE XXIV. LE CHRIST N'A POINT DÉTOURNÉ LES JUIFS DE L'OBSERVATION DES COMMANDEMENTS.
Nous avons dit plus haut tout ce qu'il nous a paru bon de dire sur la malédiction lancée contre tout homme suspendu au bois. Or, que la peine de mort prononcée par Moïse contre tout prophète ou prince du peuple qui tenterait de détourner les enfants d'Israël de leur Dieu ou de violer quelqu'un des commandements : que cette peine, dis-je, n'ait point été prononcée contre le Christ, c'est ce qui résulte assez clairement de ce que nous avons expliqué en détail, et ce qui ressortira plus clairement encore pour quiconque étudiera attentivement les paroles et les actes de Notre-Seigneur Jésus-Christ, puisque le Christ n'a cherché à détourner de Dieu qui que ce soit de son peuple. En effet, le Dieu que Moïse commandait aux Israélites d'aimer et d'adorer, est certainement le Dieu même d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob, que le Christ mentionne sous le même titre, et par l'autorité duquel il réfute l'erreur des Sadducéens qui niaient la résurrection, quand il leur dit : « Touchant la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu dit à Moïse du milieu du buisson: Je suis le Dieu d'Abraham, et le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob? Or, Dieu n'est point le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants[^1], car tous vivent pour lui ». Ces paroles viennent donc à propos pour confondre les Manichéens, comme elles ont alors fermé la bouche aux Sadducéens: car ils nient aussi la résurrection, quoique sous une autre forme. Et ailleurs, en louant la foi du centurion, après avoir dit: En « vérité, je vous le déclare: je n'ai pas trouvé une si grande foi dans Israël », le Seigneur ajouta : « Aussi je vous dis que beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident et auront place au festin dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob; tandis que les enfants du royaume iront aux ténèbres extérieures[^2] ». Si donc (et Fauste ne peut le nier) Moïse n'a pas recommandé d'autre dieu au peuple d'Israël que le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et si le Christ, comme le prouvent ces témoignages et bien d'autres, n'a pas hésité à en faire autant : donc celui-ci n'a point cherché à détourner les Israélites de leur Dieu, mais, au contraire, il les a menacés des ténèbres extérieures précisément parce qu'il les voyait se détourner de ce Dieu, dans le royaume duquel il affirme que les nations, appelées de toutes les parties de la terre, auront place avec Abraham, Isaac et Jacob, uniquement pour avoir cru au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre : « L'Ecriture prévoyant que c'est par la foi que Dieu justifierait les nations, l'annonça d'avance à Abraham en disant : Toutes les nations seront bénies en ta postérité[^3] » ; et cela, pour que ceux qui imiteraient la foi d'Abraham, fussent bénis en la postérité d'Abraham. Le Christ ne voulait donc point détourner les Israélites de leur Dieu, mais il leur reprochait plutôt de s'en être détournés. Il n'est pas étonnant que celui qui croit que le Seigneur a violé quelqu'un des commandements donnés par Moïse, soit du même avis que les Juifs; mais en cela il se trompe comme eux. Quant au commandement que Fauste mentionne et que le Seigneur, selon lui, aurait transgressé, il faut démontrer ici qu'il est dans l'erreur, comme nous l'avons déjà fait quand cela était nécessaire. Je dis tout d'abord, que si le Seigneur eût violé quelqu'un des commandements, il n'eût pas reproché aux Juifs de les violer eux-mêmes : et cependant, quand ils font un crime à ses disciples de manger sans se laver les mains, et de blesser en cela, non le commandement du Seigneur, mais les traditions des anciens, il leur répond : « Et vous, pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu, pour garder vos traditions? » Et il leur rappelle ce commandement que nous savons avoir été donné par Moïse. Il continue ainsi en effet : « Car Dieu a dit : Honore ton père et ta mère; et : Quiconque maudira son père ou sa mère, mourra de mort. Mais vous, vous dites : Quiconque dit à son père ou à sa mère: Tout don que j'offre tournera à votre profit, satisfait à la loi » ; et cependant « il n'honore point son père ; et vous avez détruit le commandement de Dieu pour votre tradition[^4] ». Voyez que d'enseignements il nous donne en cela, et comme il est loin de détourner les Juifs de leur Dieu; comment, au lieu de violer lui-même les commandements, il blâme ceux qui les violaient et leur rappelle que c'est Dieu même qui les a donnés par l'organe de Moïse.
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Matt. XXII, 31, 32; Luc, XX, 37, 38.
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Matt. VIII, 10-12.
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Gal. III, 8.
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Matt. XV, 3-6.
Edition
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Contra Faustum Manichaeum libri triginta tres
24.
Nam de maledicto pendentis in ligno iam, quantum satis visum est, supra diximus. Interficiendum autem esse prophetam sive principem populi, qui filios Israhel a deo suo vellet avertere aliquidve infringere mandatorum, p. 467,23 non adversus Christum praecepisse Moysen et ex his, quae iam multa egimus, satis clarum est et magis magisque consideranti dicta et facta domini Iesu Christi magis magisque clarebit, quia nec a suo deo voluit quemquam eorum Christus avertere. Deus quippe, quem illis Moyses diligendum colendumque praeceperat, ipse est certe deus Abraham et deus Isaac et deus Iacob, quem dominus Iesus Christus eadem commendatione commemorat eiusque auctoritate Sadducaeorum refellit errorem resurrectionem negantium, ubi ait: De resurrectione autem mortuorum non legistis, quid deus locutus sit de rubo ad Moysen:‛Ego sum deus Abraham et deus Isaac et deus Iacob’? Non est deus mortuorum, sed vivorum; omnes enim illi vivunt. p. 468.7 Opportune itaque eadem voce nunc convincuntur Manichaei, qua tunc convicti sunt Sadducaei; nam et ipsam resurrectionem alio quidem modo, sed tamen etiam isti negant. Item cum fidem centurionis laudans diceret: Amen dico vobis, non inveni tantam fidem in Israhel, adiecit et ait: Dico autem vobis, quoniam multi ab oriente et occidente venient et recumbent cum Abraham et Isaac et Iacob in regno caelorum; filii autem regni ibunt in tenebras exteriores. Si ergo, quod negare Faustus non potest, non commendavit Moyses populo Israhel deum, nisi deum Abraham et Isaac et Iacob eumque ipsum Christus ex his et aliis testimoniis sine dubitatione commendat, non est conatus illum populum avertere a deo suo, sed ideo minatus est eos ituros in tenebras exteriores, quod aversos videret a deo suo, in cuius regno gentes vocatas ex toto orbe terrarum recubituras dicit cum Abraham et Isaac et Iacob, non ob aliud, quam quod fidem tenuissent dei Abraham et Isaac et Iacob. p. 468,24 Unde et apostolus dicit: Providens autem scriptura, quia ex fide iustificat gentes deus, praenuntiavit Abrahae dicens:‘In semine tuo benedicentur omnes gentes’, ut illi scilicet in semine Abrahae benedicerentur, qui Abrahae fidem imitarentur. Non igitur Christus Israhelitas a deo suo volebat avertere, sed eos potius, quod ab illo averterentur, arguebat. Mandatorum autem aliquod eorum, quae per Moysen data sunt, infregisse dominum qui arbitratur, non mirum, si hoc putat, quod Iudaei; sed ideo errat, quia in hoc erraverunt et Iudaei. p. 469,6 Ubi autem Faustus commemorat ipsum mandatum, quod dominum infregisse vult credi, ibi opus est, ut ostendamus, quomodo fallatur, sicut iam supra, ubi oportebat, ostendimus. Nunc illud dico, quia, si aliquod illorum mandatorum dominus infregisset, non etiam de hoc ipso Iudaeos arguisset, quibus calumniantibus, quod discipuli eius illotis manibus manducarent et ob hoc excederent non mandatum dei, sed traditiones seniorum, ait illis: Ut quid et vos egredimini mandatum dei, ut traditiones vestras statuatis? Ipsumque dei mandatum commemorat, quod per Moysen mandatum esse novimus. Secutus quippe ait: Deus enim dixit: ‛Honora patrem et matrem’ et: ‛Qui maledixerit patri aut matri, morte morietur’. Vos autem dicitis: Quicumque dixerit patri vel matri, munus, quod est ex me, tibi prosit, non honoraverit patrem suum; et irritum fecistis verbum dei propter vestram traditionem. p. 469,22 Qua in re videte, quam multa nos doceat: et Iudaeos a deo suo se non avertere, et eius mandata non tantum se non infringere, verum etiam illos, a quibus infringerentur, arguere, et non nisi deum per Moysen ista mandasse.