CHAPITRE XLII. PROPHÉTIE DE JACOB EXPLIQUÉE.
Je voudrais savoir, ou plutôt j'aime mieux ignorer avec quel aveuglement d'esprit, Fauste a lu le passage où Jacob, ayant appelé ses fils, leur dit : « Assemblez-vous, afin que je vous annonce ce qui doit arriver dans les derniers jours; rassemblez-vous et écoutez, fils de Jacob; écoutez Israël, votre père ». Ici personne ne peut mettre en doute que le rôle de Prophète soit en pleine évidence. Écoutons donc ce qu'il dit à son fils Juda, par la tribu duquel le Christ est venu de la race de David selon la chair », au témoignage de l'Apôtre[^8]: « Juda, que tes frères te louent; tes mains seront sur le dos de tes ennemis; les fils de ton père s'inclineront devant toi. Juda est comme un jeune lion, le fils de ma semence; tu étais couché et tu t'es levé, tu as dormi comme un lion et comme un lionceau; qui l'éveillera? Le prince ne manquera pas à Juda, ni le chef à sa postérité, jusqu'à ce que vienne ce qui lui a été réservé ; et il sera l'attente des nations, liant son ânon à la vigne et le fils de l'ânesse au cilice; il lavera sa robe dans le vin, et son manteau dans le sang de la vigne: ses yeux seront plus brillants que le vin et ses dents plus blanches que le lait[^9] ». Que tout cela soit mensonge, que tout cela suit obscurité, si cela n'a pas brillé dans le Christ de tout l'éclat de la lumière; s'il n'est pas loué par ses frères les Apôtres, et par tous les cohéritiers qui cherchent sa gloire et non la leur; si ses mains ne sont pas sur le dos de ses ennemis; si tous ses adversaires ne sont pas abaissés, courbés jusqu'à terre, par l'accroissement des peuples chrétiens; si les fils de Jacob ne se sont pas inclinés devant lui, dans le reste qui a été sauvé selon l'élection de la grâce[^1] ; s'il n'est pas lui-même le lionceau, puisqu'il est devenu petit enfant par sa naissance : c'est pourquoi on ajoute : «Le fils de ma semence». On rend d'ailleurs raison de ce mot de lionceau, quand on dit dans un autre endroit : « Ce lionceau est plus fort que les bêtes de charge[^2] » : c'est-à-dire, quoique petit, il est plus fort que des animaux plus grands. S'il n'est pas monté en se couchant sur la croix, quand il baissa la tête et rendit l'esprit; s'il n'a pas dormi comme un lion, puisqu'il n'a point été vaincu, mais vainqueur dans la mort même; et comme un lionceau, puisqu'il est mort dans ce qui était né; si celui qu'aucun homme n'a vu ni ne peut voir[^3], ne l'a pas ressuscité des morts. Par ces mots, en effet : « Qui l'éveillera ? » on exprime assez l'idée de quelqu'un d'inconnu: si le prince a manqué à Juda, et le chef à sa postérité, jusqu'à ce que soit venu ce qui avait été promis et comme réservé. Il y a, en effet, des histoires authentiques et certaines, provenant des Juifs eux-mêmes, qui constatent qu'Hérode fut le premier étranger qui régna sur eux et dans le temps même où le Christ est né[^4]. Le roi n'a donc pas manqué à la race de Juda, jusqu'à ce que vînt ce qui lui avait été réservé: Mais comme les Juifs fidèles n'ont pas seuls profité des promesses, voyez ce qui suit : « Et il sera l'attente des nations». « Il a lui-même lié son ânon à la vigne », c'est-à-dire son peuple, en prêchant dans le cilice et en criant. « Faites pénitence : car le royaume des cieux approche[^5] ». Or, nous savons que le peuple des gentils est comparé à l'ânon, sur lequel il s'assit, et qu'il conduisit dans Jérusalem[^6], c'est-à-dire dans la vision de paix, en enseignant ses voies à ceux qui sont doux. S'il n'a pas lavé sa robe dans le vin : car c'est la glorieuse Église qu'il fait paraître devant lui, n'ayant ni tache ni ride[^7]; à qui il est dit par la voix d'Isaïe : « Quand vos péchés seraient rouges comme l'écarlate, je les rendrai blancs comme la neige[^10] ». Et comment, sinon par la rémission des péchés? Et dans quel vin, sinon dans celui dont il est dit « qu'il sera répandu pour beaucoup en rémission des péchés[^11]? » Car il est lui-même la grappe de raisin suspendue au bois[^12]. Aussi voyez ce qu'on ajoute : « Et son manteau dans le sang de la vigne ». Or, que ses yeux soient plus brillants que le vin, ils le savent, ceux des membres de son corps à qui il est donné de voir, dans une sainte ivresse qui rend leur esprit étranger à tout ce que le temps entraîne dans son corps, de contempler, dis-je, l'éternelle lumière de la sagesse. C'est pourquoi nous avons cité plus haut ce mot de Paul «Car si nous sommes emportés hors de nous-mêmes, c'est pour Dieu ». Cependant, comme il ajoute : « Si nous sommes plus retenus, c'est pour vous[^13] », les petits enfants mêmes qu'il faut nourrir avec du lait ne sont pas délaissés[^14], car on lit à la suite : « Et ses dents sont plus blanches que le lait».
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Rom. I, 3.
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Gen. XLIX, 1, 2, 8-12.
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Rom. XI, 5.
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Prov. XXX, 30.
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I Tim. VI, 16.
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Matt. II, 3, 7.
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Id. III, 2.
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Id. XXI, 2-10.
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Eph. V, 27.
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Is. I, 23.
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Matt. XXVI, 28.
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Num. XIII, 24.
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II Cor. V, 13.
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Hébr. V, 12.