CHAPITRE V. GRACE A LA DOCTRINE DE MANÈS, FAUSTE NE S'EST PAS FAIT JUIF.
C'est pourquoi je rends d'incessantes actions de grâces à mon maître, de m'avoir retenu sur cette pente, en sorte qu'aujourd'hui je suis chrétien. Car moi aussi, en lisant comme toi ce chapitre en aveugle, j'avais presque formé le dessein de me faire juif. Et ce n'était pas sans raison : car si le Christ est venu accomplir la loi et non l'abolir, comme le mot remplir ne s'applique pas à un vase vide, mais à un vase demi plein, l'israélite seul me semblait capable de devenir chrétien, lui qui, déjà plus qu'à moitié rempli par la loi et les Prophètes, viendrait au Christ pour recevoir un complément dont il paraîtrait d'autant plus susceptible; à condition cependant de ne pas se dégager des premières observances ; car autrement ce ne serait plus complément, mais épuisement qu'il faudrait dire. Quant à moi, sorti du sein de la gentilité, je me figurais faussement être venu au Christ, puisque je n'apportais rien qui pût recevoir un complément de sa part. En cherchant donc en moi la première moitié de la mesure, je ne trouvais que le vide : sabbat, circoncision, sacrifices, néoménies, ablutions, azymes, distinction entre les aliments, boissons, vêtements, et une foule d'autres choses qu'il serait long de détailler, tout avait disparu. Je pensais donc que c'était cela, et non autre.chose que le Christ déclarait être venu non abolir, mais accomplir. Et je raisonnais juste : car qu'est-ce que la loi sans les commandements ? Qu'est-ce que les Prophètes sans les prophéties? De plus, je retrouvais ici les malédictions amères lancées contre ceux qui ne persévéreraient pas dans l'observation de ce qui est écrit dans le livre de la loi[^1]. Ainsi, craignant, d'un côté, une malédiction quasi divine; entendant, de l'autre, le Christ, le Fils de Dieu, affirmer qu'il n'est pas venu abolir toutes ces choses, mais les accomplir vois toi-même si rien pouvait m'empêcher de me faire juif. Mais le vénérable symbole de Manès m'a sauvé de ce péril.
- Deut. XXVII, 26.