XX.
Félix. Accordez-moi trois jours : aujourd'hui, demain et le jour suivant; ou plutôt, remettons la suite de la discussion au lendemain du dimanche, c'est-à-dire à la veille des ides de décembre.
Augustin. Je vois que vous demandez du répit pour répondre; la bienséance exige que je vous l'accorde. Mais si, au jour fixé, vous ne pouvez me répondre, qu'arrivera-t-il?
Félix. Je m'avouerai vaincu.
Augustin. Et si vous preniez la fuite ?
Félix. Ce serait me rendre criminel aux yeux de cette cité, de l'univers tout entier et à mes propres yeux.
Augustin. Dites plutôt que si vous prenez la fuite, vous voulez que cette fuite soit regardée comme un anathème lancé par vous contre Manès.
Félix. Je ne puis tenir un semblable langage.
Augustin. Alors avouez franchement que vous vous proposez de fuir; du reste, personne ne vous retient.
Félix. Je ne prends pas la fuite.
Augustin. Comme je le vois, vous ne voulez pas vous exposer à vous retirer vaincu ; dites seulement : Si je fuis, c'est que je serai vaincu.
Félix. Je l'ai dit.
Augustin. Comment saura-t-on que c'est à cause de ce qui s'est passé que vous avez pris la fuite?
Félix. Veuillez me donner pour témoin celui que je choisirai.
Augustin. Choisissez votre témoin parmi ceux de nos frères qui sont ici près de la grille.
Félix. Je choisis celui qui se trouve au milieu.
Augustin. Je vous l'accorde, qu'il reste avec vous jusqu'au jour fixé.
Félix. C'est bien, j'y consens.
Boniface. Que Jésus-Christ veuille que celui que j'accompagnerai soit chrétien !
Moi, Augustin, évêque de l'Eglise catholique d'Hippone, j'ai signé ceci comme s'étant passé en face du peuple, dans l'église.
Moi, Félix, chrétien et disciple de Manès, j'ai signé ceci comme s'étant passé dans l'église, en présence du peuple.