XIV.
Félix. Je lancerai l'anathème contre cette doctrine quand elle me sera démontrée fausse ; jusque-là, je ne le puis.
Augustin. Une erreur qui fait de Dieu un être corruptible, doit-elle, oui ou non, être anathématisée?
Félix. Répétez.
Augustin. Une erreur qui fait de Dieu un être corruptible, doit-elle, oui ou non, être anathématisée?
Félix. Il faut prouver qu'il enseigne cette erreur.
Augustin. Voici ma question : Celui qui enseigne que Dieu est un être corruptible, doit-il, oui ou non, être anathématisé?
Félix. Vous me demandez si l'on doit anathématiser celui qui enseigne que Dieu est corruptible ?
Augustin. C'est ma question.
Félix. Pourquoi ne dites-vous plus, comme précédemment, que Dieu est corruptible, parce qu'il a mêlé sa substance à ses adversaires?
Augustin. Voici la question à laquelle le vous prie de répondre : Celui qui affirme la corruptibilité de Dieu, doit-il, oui ou non, être anathématisé ?
Félix. Sans aucun doute.
Augustin. Celui qui soutient la possibilité pour la nature et la substance de Dieu d'être corrompues, doit-il, oui ou non, être anathématisé?
Félix. Je n'ai pas compris.
Augustin. Ce que je dis, tout homme le comprend, pourvu qu'il n'affecte point de ne pas comprendre : celui qui soutient la possibilité pour la nature et la substance de Dieu, c'est-à-dire pour l'être même de Dieu, d'être corrompu, mérite-t-il, oui ou non, l'anathème ?
Félix. Il le mérite, pourvu qu'il soit prouvé qu'il l'a soutenu réellement.
Augustin. Je ne vous ai pas dit que Manès enseignât la corruptibilité de Dieu; je déclare seulement que celui qui avance une semblable proposition mérite l'anathème.
Félix. J'ai répondu affirmativement.