XV.
Augustin. Cette substance, qui a été mêlée à la nation des ténèbres, faisait-elle partie de la nature de Dieu ou d'une autre nature?
Félix. De la nature de Dieu.
Augustin. Ce qui fait partie de la nature même de Dieu, participe-t-il à l'être divin, ou est-il quelque chose d'étranger à Dieu
Félix. Ce qui est de la nature de Dieu; est Dieu, selon ce qui est écrit : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne a l'ont point comprise[^1]». — « Car Dieu est la lumière, et en lui il n'y a point de ténèbres[^2]».
Augustin. Vous avez dit la vérité : Ce qui est de la nature de Dieu, est Dieu, et Dieu est la lumière; en lui il n'y a point de ténèbres, et cette lumière a brillé dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise. Reste à savoir ce que Manès fait de la substance de Dieu: ne dit-il pas que la lumière a été renfermée dans les ténèbres, qu'elle y a été retenue dans l'esclavage, souillée, corrompue, à tel point qu'elle a eu besoin de la miséricorde d'un Libérateur? Si c'est là sa doctrine, vous en avez fait l'aveu, il mérite anathème; car, en disant que la nature de Dieu, ou Dieu lui-même, a été enchaînée et souillée dans les ténèbres, il est en contradiction formelle avec vous, qui avez dit vrai en citant cette parole de l'Evangile : « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise ». Vous devez donc anathématiser Manès, puisqu'il ose affirmer que la lumière a été obscurcie dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l'ont point comprise.
Félix. Mais celui qui était enchaîné et souillé, a été délivré ; nous qui avons été souillés, nous sommes purifiés.
Augustin. Ce langage ne peut pas s'appliquer à la nature de Dieu, mais uniquement à toute nature corruptible; celle-ci peut être souillée et purifiée. Mais quand il s'agit d'une nature incorruptible, ne sentez-vous pas que c'est un horrible sacrilège de dire qu'elle est souillée et purifiée? Et n'est-ce pas y mettre le comble que d'ajouter qu'une certaine partie de Dieu a été tellement souillée que, ne pouvant être purifiée, elle est damnée pour l'éternité? Ne pas anathématiser une telle doctrine, c'est s'obstiner dans l'erreur ; car, vous l'avez dit vous-même, celui qui fait de Dieu un être corruptible, mérite l'anathème.
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Jean, I, 5.
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I Jean, I, 5.