XXII.
Quant à cette parole de l'Apôtre, citée aussi par notre auteur : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu », il n'y est nullement question de l'âme, mais bien de la résurrection du corps. Cette question, du reste, peut recevoir une double solution. Ou bien il s'agit, sous le nom de la chair et du sang, de la corruption de la chair et du sang; or, il est certain que cette corruption ne sera plus possible après la résurrection; ou bien, sous ce nom de chair et de sang, l'Apôtre veut désigner les hommes qui s'abandonnent aux instincts de la chair et du sang, et se livrent aux jouissances matérielles; or, il est évident que de tels hommes ne posséderont pas le royaume de Dieu. Si donc on examine attentivement ces paroles de l'Apôtre : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu », il est facile de comprendre qu'il désigne ainsi la corruption actuelle de la chair, et que son langage peut se traduire ainsi : « La corruption ne possédera pas l'incorruption ». En effet, quand la grande transformation de la résurrection sera accomplie, toute corruption disparaîtra nécessairement. Il est vrai qu'après sa propre résurrection, le Sauveur dit à ses disciples; « Palpez et reconnaissez qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai1 »; mais cela prouve seulement que la chair conservera sa substance, tout en cessant d'être soumise à la corruption. Le Prophète avait dit également : « Toute chair n'est que de l'herbe desséchée ». Est-ce donc là ce qu'était la chair du Seigneur quand il l'éleva jusqu'au ciel? De même donc que le Prophète avait dit : « Toute chair n'est qu'une herbe », et qu'il put ajouter : « L'herbe s'est desséchée2 »; de même aussi l'Apôtre a pu dire : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume des cieux ». En effet, il n'y aura plus alors de corruption possible, puisque, sur la terre, la nature de la chair se dessèche comme le foin. Il exprime la même pensée en disant: « La corruption ne possédera pas l'incorruption » ; ces dernières paroles ne sont pas une pure répétition, mais l'explication des paroles précédentes. Ainsi ces mots : « la chair et le sang », sont pour nous synonymes de corruption, mais ne désignent nullement la substance même de la chair; d'un autre côté, cette expression: « le royaume de Dieu », doit signifier ici l'incorruptibilité. Dès lors, ces deux propositions : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu; la corruption ne possédera pas l'incorruption», n'ont qu'une seule et même signification; en d'autres termes: La corruption de la chair et du sang n'entrera pas dans l'incorruption de ce royaume, précisément à cause de l'immutabilité dont il a été dit plus haut . « Il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité3 ». Ce ne sera donc pas la corruption qui entrera dans le royaume des cieux, mais la chair elle-même qui, de corruptible qu'elle est sur la terre, revêtira l'incorruptibilité.