CHAPITRE XVII.
AUTRES AVANTAGES DE L’INCARNATION.
- Il y a bien d’autres points de vue dignes d’attention et de réflexion dans l’incarnation du Christ, qui déplaît tant aux orgueilleux. Par exemple, elle fait comprendre à l’homme quelle place il tient parmi les êtres que Dieu a créés, puisque la nature humaine a pu être unie à Dieu si étroitement que deux substances, et par là même, trois : Dieu, l’âme et la chair, n’aient formé qu’une personne. Ainsi ces esprits orgueilleux et méchants, qui interviennent, en apparence pour aider, en réalité pour tromper, n’osent plus se préférer à l’homme par la raison qu’ils n’ont pas de corps; surtout, le Fils de Dieu ayant daigné mourir dans la chair, ils ne peuvent plus se faire adorer comme dieux par la raison qu’ils sont immortels. En outre, la grâce de Dieu, accordée sans aucuns mérites antérieurs, éclate visiblement dans le Christ fait l’homme: car le Christ lui-même n’avait point mérité antérieurement d’être si étroitement uni au vrai Dieu que le Fils de Dieu ne fît qu’une seule personne avec lui; mais il n’a commencé à être Dieu que du moment où il a été homme:
ce qui fait dire à l’évangéliste : « Le Verbe a été fait chair (Jean I, 14 ) ». Autre avantage : l’orgueil de l’homme, principal obstacle à son union avec Dieu, a pu être confondu et guéri par le profond abaissement d’un Dieu. Par là encore l’homme mesure la distance qui le séparait de Dieu, et peut apprécier ce que lui vaut le remède de la douleur, puisqu’il ne revient que par l’entremise d’un médiateur, qui, comme Dieu, vient au secours des hommes, et, comme homme, se rapproche d’eux par l’infirmité. Ensuite quel plus beau modèle d’obéissance, pour nous qui nous étions perdus par désobéissance, que celui de Dieu le Fils, obéissant à Dieu le Père jusqu’à la mort de la croix (Phil., II, 8 )? D’ailleurs où pouvait-on nous montrer une (520) plus belle récompense de l’obéissance que dans la chair d’un si grand médiateur, ressuscité pour la vie éternelle ? Enfin il était digne de la justice et de la bonté du Créateur que le démon fût vaincu par cette même créature raisonnable qu’il se flattait d’avoir vaincue, et provenant de ce même genre humain que la faute d’un seul avait vicié dans son origine et livré à son pouvoir.
