CHAPITRE XIV.
LE VERBE DE DIEU EST ÉGAL EN TOUT AU PÈRE DE QUI IL EST.
Donc le Verbe de Dieu le Père, Fils unique, est semblable et égal au Père en tout, Dieu de Dieu, lumière de lumière, sagesse de sagesse, essence d’essence; il est absolument (556) ce qu’est le Père, et cependant il n’est pas Père, puisque l’un est Fils et l’autre Père. Par conséquent il connaît tout ce que le Père connaît; mais il tient du Père la connaissance aussi bien que l’Etre. Car, en Dieu, connaître et être c’est la même chose. Le Père, comme en s’exprimant lui-même, a engendré le Verbe qui lui est égal en tout, et il ne se serait pas exprimé lui-même entièrement et parfaitement, s’il y avait en son Verbe quelque chose de plus ou de moins qu’en lui. C’est ici qu’on reconnaît au souverain degré le: « Oui, oui, Non, non (Matt., V, 37 ) ». Voilà pourquoi ce Verbe est réellement la vérité, parce que tout ce qui est dans la science qui l’engendre est aussi en lui, et qu’il n’a rien de ce qui n’y est pas. Ce Verbe ne peut absolument rien avoir de faux ; parce qu’il est immuablement ce qu’est Celui de qui il est. Car « le Fils ne peut rien faire de lui-même, si ce n’est ce qu’il voit que le Père fait (Jean, V, 19 ) ». Ii ne le peut absolument, et ce n’est point là faiblesse, mais force, la force qui fait que la vérité ne peut être fausse. Dieu le Père connaît donc toutes choses en lui-même, il les connaît dans son Fils; dans lui-même, comme lui-même, dans le Fils comme son Verbe, qui comprend tout ce qui est en lui. Le Fils connaît également toutes choses : en lui-même, comme choses nées de celles que le Père connaît en lui-même; dans le Père, comme choses d’où sont nées celles que le Fils connaît en lui-même. Le Père et le Fils savent donc réciproquement, mais l’un en engendrant, l’autre en naissant. Et chacun d’eux voit simultanément tout ce qui est dans leur science dans leur sagesse, dans leur essence; non en particulier ou en détail, comme si leur vue alternait, passait là, revenait ici, se portait d’un côté à un autre, dans l’impuissance de voir ceci en même temps que cela; mais, comme je l’ai dit, chacun d’eux voit tout, tout à la fois et toujours.
Quant à notre verbe, qui n’a pas de son, qui ne pense point au son, mais seulement à la chose que nous exprimons intérieurement en la voyant, qui, par conséquent, n’appartient à aucune langue, et a quelque ombre de ressemblance en énigme avec le Verbe de Dieu qui est Dieu, puisqu’il naît de notre science comme le Verbe est né de la science du Père; quant à ce verbe, dis-je, si nous lui trouvons quelque ressemblance avec le Verbe suprême, ne rougissons point de faire voir, autant qu’il nous sera possible, combien il en diffère.
