5.
En effet, Dieu ne nous aide point à pécher ; mais sans l'aide de Dieu, nous ne pouvons faire les oeuvres justes; ou, en d'autres termes, accomplir dans tous ses points le précepte de la justice. C'est ainsi que l'œil de notre corps n'est pas aidé par la lumière pour s'exclure de cette lumière même, pour s'en détourner et s'y fermer ; il est aidé par elle, afin de voir clair ; et il ne peut y voir absolument s'il n'est point aidé par elle. Tel est Dieu par rapport à nous: lumière de l'homme intérieur, il seconde le regard de notre âme, afin qu'en toute espèce de bien nous agissions selon sa justice à lui, et non pas selon notre justice. Nous arrive-t-il de lui tourner le dos? C'est notre affaire, et nous obéissons alors à la sagesse de la chair ; nous consentons à la concupiscence de la chair en des choses illicites.
Ainsi, tournés et convertis vers lui, Dieu nous aide ; détournés volontairement de lui, il nous délaisse. Il y a plus : il nous aide à nous convertir, et c'est là un effet que la lumière créée ne produit pas en faveur des yeux de notre corps. Aussi, lorsque Dieu nous fait ce précepte : «Convertissez-vous vers moi, et je me convertirai vers vous, moi aussi1 » ; et quand, de notre côté, nous répondons : « O Dieu de nos guérisons, convertissez-nous2 » ; et: « Convertissez-nous, Dieu des vertus3 », quel est alors le sens de notre prière, sinon : Donnez-nous ce que vous nous commandez ? — Quand, encore, son précepte nous dit : « Ayez donc l'intelligence, vous qui parmi mon peuple êtes des insensés4 », et que nous le supplions en disant: «Donnez-moi l'intelligence pour que je comprenne vos commandements5 », qu'est-ce à dire sur nos lèvres, sinon : Donnez-nous ce que vous commandez? — Quand sa voix nous dicte une loi comme celle-ci : « N'allez pas à la remorque de vos mauvais désirs6 », et que nous lui disons à notre tour : « Nous savons que personne n'en peut être le maître, si Dieu ne lui en donne la force7 » ; que signifie notre langage, sinon : Donnez-nous ce que vous commandez? — Quand sa voix nous crie : « Pratiquez la justice8 », et que nous répondons : « Enseignez-moi vos lois qui justifient9 », qu'est-ce à dire toujours, sinon : Donnez-nous ce que vous commandez ? — Enfin, si Dieu nous dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés10 », à qui devons-nous demander cet aliment et ce breuvage de la justice, sinon à celui qui promet d'en rassasier ceux qui éprouveraient et cette faim et cette soif ?