30.
Disons au contraire : Non-seulement nous ne pouvons avoir que de Dieu le libre arbitre, cette faculté qui s'incline à son gré vers tel ou tel objet et qui appartient à cette classe de biens naturels dont un homme méchant peut faire mauvais usage; mais, de Dieu exclusivement aussi dérive la bonne volonté qu'il faut classer dans les biens dont l'usage ne peut être mauvais. A moins de maintenir ces deux points, je ne sais comment nous défendrons l'oracle de saint Paul : « Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu? » En effet, supposé que Dieu nous donne seulement une sorte de volonté qui puisse encore être bonne ou mauvaise, et que la bonne volonté vienne de nous par conséquent, dès lors ce qui vient de nous vaut mieux que ce qui vient de lui. Et si c'est là une énorme absurdité, il faut donc avouer que nous tenons de Dieu la bonne volonté même. D'ailleurs il serait étrange que la volonté puisse s'arrêter dans un certain milieu indifférent, où elle ne serait ni bonne ni mauvaise. Car, aimons-nous la justice à quelque degré? c'est déjà un bon vouloir; l'aimons-nous davantage? c'est un vouloir meilleur; moins? c'est un vouloir moins bon; point du tout? c'est absence de bon vouloir. Or, quand la volonté n'aime aucunement la justice, hésiterez-vous à dire non-seulement qu'il y a volonté mauvaise, mais même la plus mauvaise volonté? Si donc la volonté est bonne ou mauvaise, d'une part; si, d'autre part, la mauvaise volonté ne nous vient- pas de Dieu, il reste à dire que de lui nous vient la bonne volonté. Autrement je ne sais quel autre bienfait que celui-là vient nous combler de sa part, quand il daigne nous justifier. Et c’est d'après cette pensée, selon moi, qu'il est écrit : « La volonté est préparée par le Seigneur1 » et dans les Psaumes : « C'est par le Seigneur que les pas de l'homme sont dirigés, et que celui-ci aime la voie de Dieu2 » ; et cette maxime enfin de l'Apôtre : « Car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et l'action selon sa bonne volonté3 ».