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Malheureusement, la religion ne manque pas de semblables adversaires; et comme dans la question actuelle nous leur répondons que ces misères de la vie sont destinées à châtier les péchés non remis encore, ou bien à servir d'exercice et de combats aux justes, après que les péchés sont effacés, ainsi devons-nous répondre dans le même sens aux contradicteurs que semble étonner la mort corporelle des chrétiens : avouons qu'elle a pour cause. le péché, mais ne craignons pas de déclarer aussi qu'elle nous est laissée pour le combat, après que les péchés sont remis, parce que nos progrès doivent triompher, du la terreur excessive que la mort nous inspire. Car si cette foi, qui opère par la charité. n'avait que peu de mérite à vaincre la mort, la gloire des martyrs serait bien amoindrie, et le Seigneur ne dirait pas : « Personne ne peut avoir une charité plus grande que de donner sa vie pour ses amis1 » ; maxime que saint Jean, dans sa première épître, reproduit en ces termes : « Comme le Seigneur a donné sa vie pour nous, ainsi devons-nous aussi nous-mêmes donner notre vie pour nos frères2 ». Non, subir la mort ou la mépriser pour la justice ne serait pas une vertu célébrée comme le chef-d'oeuvre de la patience, si la mort n'était pas une peine bien rude et bien amère. Vaincre la crainte du trépas par esprit de foi, c'est donc acquérir par cette foi elle-même le titre le plus glorieux et la plus juste récompense. Aussi admettons, sans nous étonner, ces deux conclusions : la première, c'est que si le péché n'avait point précédé dans l'homme, nous n'eussions point été frappés de cette mort corporelle, puisque, depuis lors même, elle est pour nous un si terrible châtiment; et la seconde, c'est qu'après la rémission des péchés, la mort a lieu encore pour les fidèles, afin que l'énergie de leur vertu chrétienne s'exerce à triompher de la crainte qu'elle inspire.