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Essayons donc, dans la mesure de nos forces, de préciser la différence qui existe entre la loi des oeuvres, laquelle n'empêche pas l'homme de se glorifier en lui-même, et la loi de la foi, qui nous oblige de tout reporter à Dieu. On va me dire peut-être que la loi des oeuvres se trouve dans le judaïsme et la loi de la foi dans le christianisme, parce que la circoncision et autres oeuvres semblables appartenaient à la loi, tandis qu'elles ont cessé sous le règne de la discipline chrétienne. Mais cette distinction est absolument erronée, comme il est facile de le démontrer et comme nous l'avons prouvé par des arguments qui étaient à la portée de tous et de vous en particulier. Toutefois, comme ce sujet est de la plus haute importance, je crois devoir corroborer ma démonstration par de nouveaux témoignages.
Il est certain que l'Apôtre parle de la loi quine justifie personne, et dont l'introduction dans le monde n'a eu d'autre résultat que de faire abonder le péché1. Et pourtant, ne voulant pas qu'un ignorant, ou un sacrilège arguât de ce fait pour condamner.la loi, il en prend la défense en ces termes : « Que dirons-nous donc ? La loi est-elle un péché ? A Dieu ne plaise ! mais je n'ai connu le péché que par la loi ; car je n'aurais pas connu la convoitise, si la foi n 'avait pas dit : «. Vous ne convoiterez point. Mais le péché ayant pris occasion de s'irriter par le précepte, a produit en moi toutes sortes de mauvais désirs». Saint Paul dit également : « La loi est sainte, le précepte est saint, juste et bon; mais le péché, pour faire apparaître ce qu'il est, n'a donné la mort que par une chose qui était bonne2 ». La lettre qui tue c'est celle qui dit : « Vous ne convoiterez pas ». C'est d'elle aussi que l'Apôtre disait, comme je l'ai rapporté plus haut : « La loi ne donne que là connaissance du péché. Maintenant, au contraire, sans la loi, la justice de Dieu a été manifestée, attestée par la loi et les Prophètes, et cette justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ est donnée à tous ceux qui croient; car il n'y a nulle distinction. Car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu, étant justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ que Dieu a proposé pour être la victime de propitiation, par la foi en son sang, pour faire paraître sa justice, par la rémission des péchés passés. Ces péchés, il
les a soufferts avec patience pour faire paraître-en ce temps cette justice qui vient de lui, montrant tout ensemble qu'il est juste et qu'il justifie celui qui a la foi en Jésus-Christ ». Enfin arrive la question que nous traitons : « Où est donc le sujet de votre gloire ? Il est exclu. Et par quelle loi ? Est-ce par la loi des oeuvres ? Non, mais par la loi de la foi3 ».
Comprenons-le donc, cette loi des faits, c'est celle qui dit : «Vous ne convoiterez pas », car c'est par elle que nous avons la connaissance du péché. D'un autre côté, je voudrais savoir si quelqu'un oserait me dire que la loi de la foi ne dit pas : « Vous ne convoiterez pas ». Car si elle ne le dit pas, pourquoi donc, placés comme nous le sommes sous son règne, ne péchons-nous pas en toute sécurité et avec une complète impunité ? N'est-ce pas là ce qu'affirmaient ces hommes que l'Apôtre stigmatisait en ces termes : « Et pourquoi ne ferons-nous pas le mal, afin qu'il en arrive du bien? car tel est le langage que quelques-uns nous prêtent par une calomnie qu'ils nous imposent, et ces personnes seront justement condamnées4 ». Or, cette loi dit elle-même : « Vous ne convoiterez pas », comme l'attestent et le répètent sans cesse un si grand nombre de préceptes évangéliques et apostoliques ; pourquoi donc alors ne pas l'appeler la loi des œuvres ? D'un autre côté, parce qu'elle n'a pas les œuvres des anciens sacrements, la circoncision et autres semblables, il ne faut point en conclure qu'elle n'a point d'oeuvres à accomplir dans les sacrements de la nouvelle alliance, et à ce titre encore elle pourrait être appelée la loi des oeuvres. Et si vous prétendez qu'il était question des œuvres des sacrements quand on faisait mention de la loi pour prouver que c'est par elle que nous connaissons le péché, et que ce n'est pas d'elle que nous vient la justification, j'en conclurai que ce n'est point par cette loi des oeuvres quelle qu'elle soit, qu'a été exclue la glorification, ruais par la loi de la foi, de cette foi dont vit le juste. Mais enfin cette loi même de la foi ne nous donne-t-elle pas, elle aussi, la connaissance du péché, puisqu'elle nous crie à tous : « Vous ne convoiterez pas? »