15.
Sur ce point encore vous êtes dans l'erreur. En effet, les témoignages divins que vous nous citez à l'appui de votre proposition, ne la prouvent aucunement. Tout ce qu'ils prouvent, c'est que nos âmes nous ont été données, créées et formées par Dieu; une telle conviction, du reste, nous est absolument nécessaire pour imprimer à notre vie une sainte direction. Mais ils ne nous disent pas sous quel mode ces âmes nous ont été données: est-ce par voie d'insufflation nouvelle et spéciale, comme cela s'est fait pour l'âme du premier homme; est-ce par voie de transmission originelle? Lisez attentivement ce que j'ai écrit sur ce point à notre frère René1 ; ce que j'ai dit alors, je m'abstiens de le répéter. Pour vous plaire, je devrais me prononcer définitivement, comme vous vous êtes prononcé vous-même , dussè-je me jeter comme vous dans d'inextricables embarras, qui vous ont amené à émettre contre la foi catholique des propositions telles que, si vous preniez la peine de les étudier sérieusement, vous comprendriez aussitôt combien il vous eût été utile de savoir que vous ignorez ce que vous ignorez; combien même vous seriez heureux de le savoir aujourd'hui. Si c'est l'intelligence qui vous plaît dans la nature de l'homme, parce que sans l'intelligence nous serions semblables aux animaux, comprenez donc que vous ne comprenez pas, de peur que vous ne deveniez incapable de rien comprendre ; et gardez-vous bien de mépriser tout homme qui, pour avoir le sens véritable de ce qu'il ne comprend pas, comprend avant tout qu'il ne le comprend pas. Quant à ces paroles du Psalmiste : «L'homme si haut placé n'a pas compris; il a été comparé aux animaux sans raison et il leur a été trouvé semblable2 », lisez-les et tâchez d'en saisir la raison et la portée, si vous voulez vous en épargner la honteuse application, plutôt que de les jeter orgueilleusement à qui que ce soit. Cet oracle est à l'adresse de tous ceux qui ne voient d'autre vie que la vie charnelle, et qui n'espèrent rien après la mort, pas plus que n'ont à espérer des animaux; mais il ne frappe en aucune manière ceux qui avouent qu'ils savent ce qu'ils savent, et qu'ils ignorent ce qu'ils ignorent, prouvant ainsi que la connaissance qu'ils ont de leur propre faiblesse est un remède assuré contre toute présomption de l'orgueil.