8.
Il enseigne avec beaucoup de raison et de vérité que les âmes sont jugées aussitôt après leur sortie du corps et avant de se présenter à cet autre jugement qu'elles devront subir aussitôt que leurs corps leur seront rendus, et qu'alors elles seront tourmentées ou glorifiées dans la chair qui leur était unie sur la terre. Est-ce que c'est là ce que vous ignoriez? Se peut-il donc que l'on s'obstine contre l'Evangile, au point de ne pas entendre cette vérité; et si on l'entend, de ne pas la croire, dans la parabole de ce pauvre qui, après sa mort, est transporté dans le sein d'Abraham, et de ce riche qui est cruellement tourmenté dans les enfers ? Est-ce lui qui vous a appris comment l'âme du riche, séparée de son corps, a pu demander que le doigt du pauvre laissât tomber sur elle une goutte d'eau1? Cependant, n'a-t-il pas avoué lui-même que l'âme ne cherche les aliments corporels que pour réparer les ruines et les pertes d'un corps corruptible? Voici ses paroles : «Parce que nous voyons l'âme chercher la nourriture ou le rafraîchissement, en conclurons-nous que cette nourriture ou ces rafraîchissements passent jusqu'à elle? u Un peu plus loin il ajoute : «Il est donc bien prouvé que les aliments sont préparés non pas pour l'âme, mais pour le corps; c'est pour le corps également que les vêtements sont employés, car le corps en a besoin comme il a besoin de nourriture ». Il confirme par un exemple cette doctrine déjà si claire par elle-même. «Pourquoi n; dit-il, les soins dont un locataire entoure la maison qu'il habite ? S'il s'aperçoit que la toiture vacille, que les murs chancellent, que les fondations s'abaissent, il emploie des ligatures et des supports, pour empêcher cette ruine imminente dont il aurait peut-être à subir les tristes suites et les cruelles conséquences. Sachez donc que c'est dans un motif semblable que l'âme cherche pour son corps la nourriture nécessaire et quelquefois la désire avec tant d'ardeur n. Impossible d'exprimer sa pensée plus clairement que ne l'a fait ce jeune homme, pour prouver que ce n'est point à l'âme, mais au corps, que les aliments sont nécessaires; l'âme. éprouve alors les véritables sollicitudes d'un locataire, et doit apporter tous les soins nécessaires pour réparer les pertes et les ruines de la maison qu'elle habite. Après cela, qu'il vous explique donc lui-même pourquoi l'âme du mauvais riche désirait le modeste rafraîchissement d'une goutte d'eau; elle était alors sortie de la maison de son corps, et cependant elle avait soif et demandait que le doigt du pauvre Lazare laissât tomber sur elle une goutte d'eau. Ce jeune maître des vieillards a sur ce point de quoi exercer sa sagacité; qu'il cherche donc et qu'il trouve, s'il le peut, le motif pour lequel cette âme jetée en enfer et dépouillée de son habitacle ruiné désirait si vivement le rafraîchissement d'une goutte d'eau.
-
Luc, XVI, 22-24. ↩