11.
Hésiterez-vous à réprouver un langage comme celui-ci : «Vous ne voulez pas, » dit-il, « qu'une âme reçoive la santé d'une chair de péché; mais ne voyez-vous pas que c'est par la chair que cette même âme reçoit à son tour la sanctification, de telle sorte qu'elle se trouve réintégrée par l'instrument même a de sa déchéance ? C'est le corps qui est lavé par le baptême, et pourtant la grâce conférée parle baptême ne pénètre-t-elle point jusqu'à l'âme ou l'esprit? Il est donc tout naturel que ce soit par la chair que l'âme recouvre son premier état, sa première habitude, comme c'est par la chair qu'elle avait paru déchoir et mériter d'être souillée1 ». De telles paroles vous font comprendre dans quelle erreur grossière votre docteur est tombé. Il ose dire que « c'est par la chair a que l'âme est réintégrée dans son état primitif, comme c'est par elle qu'elle avait été déchue ». Avant d'être unie à la chair l'âme jouissait donc d'un état parfait, et avait acquis quelque mérite précieux, état et mérite qui lui sont rendus par la chair quand celle-ci est purifiée par le bain de la régénération. Avant d'être unie à la chair, l'âme avait donc aussi vécu quelque part dans un état de perfection et de mérite, dont elle avait été déchue par son union avec la chair. Vincent Victor dit expressément : «C'est par la chair que l'âme recouvre l'ancienne habitude qu'elle avait paru perdre insensiblement par la chair ». Avant d'être unie à la chair l'âme possédait donc déjà une ancienne habitude, et que pouvait être cette habitude, sinon heureuse et louable? Il assure qu'elle l'a recouvrée par le baptême; cependant il ne veut pas que cette âme tire son origine de. celle qui existait dans le paradis et qui y jouissait du bonheur. Comment donc, dans un autre passage, ose-t-il dire qu'il a toujours affirmé que l'âme n'existe pas par voie de transmission originelle, qu'elle n'a pas été tirée du néant, qu'elle n'est point par elle-même, et qu'elle n'a pas été avant le corps? Ici, au contraire, il soutient que les âmes ont vécu quelque part avant le corps, qu'elles étaient heureuses, et que ce bonheur leur est rendu par le baptême. Puis, oubliant ce qu'il vient de dire, il ajoute que c'est par la chair que l'âme renaît, comme « c'est par la chair qu'elle avait mérité a d'être souillée ». Précédemment il faisait entendre que l'âme avait perdu son mérite par la chair; maintenant il suppose qu'elle avait démérité, et qu'en punition de sa faute elle avait été condamnée à habiter la chair et à y contracter une souillure. Mériter d'être souillée, c'est assurément démériter. Qu'il nous dise donc quel péché l'âme avait commis avant d'être souillée par la chair, et par suite duquel elle a mérité d'être souillée par la chair. Qu'il réponde, s'il le peut; mais il en est incapable, puisqu'il a contre lui la vérité.
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Ci-après, liv. III, n. 9. ↩