1.
Maintenant permettez-moi de vous exprimer mes convictions personnelles avec toute la franchise et toute la clarté que voudra bien m'inspirer Celui qui tient dans sa main notre vie et nos paroles. Vous n'avez pas craint de me nommer et de m'adresser directement un double reproche. Après avoir, dès le début de votre livre, proclamé votre inexpérience et votre incapacité , que vous opposiez à ma science et à ma capacité, vous nous offrez en spectacle le jeune homme reprenant un vieillard, le laïque remontrant un évêque, dont il venait de louer hautement la profonde science et l'étonnante capacité; vous me condamnez enfin dans des matières que vous croyez connaître, tandis que je. reconnais mon incompétence à les résoudre. Que je sois savant et habile, je l'ignore, ou plutôt je sais d'une manière très-certaine que je ne le suis pas. D'un autre côté, j'avoue sans hésiter qu'un ignorant peut savoir quelquefois ce qu'un savant ignore; aussi je ne puis que vous louer sincèrement d'avoir laissé de côté le respect dû à l'homme et d'avoir donné la préférence à la vérité, ou du moins à ce que vous croyiez être la vérité, sans que vous l'ayez jamais approfondie. Si donc vous avez été téméraire en vous flattant de connaître ce que vous ignoriez, du moins vous avez fait preuve de liberté et d'indépendance, puisque les égards dus à la personne ne vous ont point empêché de formuler vos opinions. Cela seul doit vous faire comprendre que le plus grand de tous nos soins doit être pour nous d'arracher à l'erreur les ouailles de Jésus-Christ, puisque les ouailles elles-mêmes se reprocheraient de taire à leurs pasteurs les vices dont elles les croiraient coupables. Oh ! si vous m'aviez reproché ce qui dans mes écrits est vraiment digne de reproche ! Je ne dois pas nier que mes moeurs elles-mêmes et surtout beaucoup de mes ouvrages peuvent être incriminés, sans aucune témérité de la part de mes juges. Si vous vous étiez fait mon censeur dans ces matières, je pourrais peut-être vous montrer ce que je voudrais que vous fussiez vous-même, du moins par rapport à ce que vous me reprochez; et, bien loin de me prévaloir de mon grand âge en face de votre jeunesse, de mon caractère en face de votre infériorité, je donnerais moi-même l'exemple de la correction, bien persuadé que cet exemple serait d'autant plus salutaire qu'il serait plus humble. Pourquoi donc me reprochez-vous des choses que non-seulement l'humilité ne m'ordonne pas de corriger, mais que la vérité me contraint ou d'avouer ou de soutenir?