4.
Dans le livre précédent nous avons longuement discuté sur le souffle de l'homme. Ce souffle appartient-il à la nature de l'âme, puisque c'est elle qui le produit dans l'homme? appartient-il à la nature du corps, puisque c'est par l'âme que le corps est mis en mouvement pour produire ce souffle? appartient-il à l'air ambiant sans lequel le souffle ne saurait être produit ? ou enfin, appartient-il à ces trois choses à la fois, c'est-à-dire à l'âme qui meut le corps, au corps dont le mouvement reçoit et rend le souffle, et à l'air extérieur qui nourrit le corps en y pénétrant et le soulage en sortant? Vous êtes un homme lettré et éloquent, et cependant voilà des choses que vous ignoriez, puisque vous croyiez, vous disiez, vous écriviez, vous enseigniez à un immense auditoire qu'une outre appliquée sur nos lèvres se gonfle de notre propre nature, sans que notre nature en éprouve aucune perte. Pour vous rendre compte de ce phénomène, besoin n'était pas de scruter les pages des divines Ecritures ; il suffisait de vous observer vous-même. Comment voulez-vous donc que, sur un sujet que j'ignore, l'origine de l'âme, je m'en rapporte à vous, qui ignoriez ce que vous faites sans cesse par le mouvement perpétuel de vos narines et de vos lèvres ? Maintenant que je vous ai averti, plaise à Dieu que vous cédiez immédiatement, au lieu de résister à une vérité dont l'évidence vous éblouit. Gonflez une outre, interrogez vos poumons, et plutôt que de leur faire rendre une réponse contre moi, recueillez la leçon qu'ils vous donnent et la réponse véritable qu'ils vous adressent , non point en parlant ou en discutant, mais en aspirant l'air et en le refoulant au dehors. Malgré les sanglants reproches dont vous flétrissez mon ignorance sur l'origine de l'âme, je n'exhalerais aucune plainte; bien plutôt je rendrais grâces à Dieu si vous consentiez à discuter avec moi cette question autrement que par des injures, mais par des raisons véritables. Si vous pouviez m'appendre ce que j'ignore, je devrais me résigner patiemment à être frappé, non-seulement par des paroles, mais même par de véritables coups de poing.