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Ensuite l'examen se porta sur chacun des chapitres du livre de Célestius, de manière à en peser le sens, plutôt que les paroles. On aurait pu suivre l'auteur de plus près, mais les accusateurs de Pélage avaient eux-mêmes avoué qu'ils ne pouvaient tout mentionner. Dans le premier chapitre du livre de Célestius, ils relevaient ces paroles: « Nous faisons plus qu'il ne nous est prescrit par la loi et par l'Évangile ». A cela Pélage répondit : « Pourquoi nous faire ce reproche, puisque nous parlions de la virginité dans le sens même de l'Apôtre qui n'a pas craint de dire: Il n'y a pas sur ce point de précepte du Seigneur? » Le synode répliqua : « Telle est aussi la doctrine de l'Eglise ». Or, une lecture attentive m'a révélé le sens que Célestius donnait à sa phrase ; quant à Pélage, je ne serais pas étonné qu'il protestât de son innocence sur ce point. N'est-ce pas déjà dans ce but qu'il a soutenu que par sa nature le libre arbitre nous conférait une telle possibilité de ne pas pécher, que nous pouvons parfaitement aller au-delà du précepte? En effet, plusieurs pratiquent la virginité perpétuelle, quoiqu'elle ne soit pas commandée, et quoiqu'il suffise, pour éviter le péché, d'observer les commandements. Toutefois, en approuvant sa réponse, les juges n'ont nullement prétendu enseigner que ceux qui gardent la virginité, qui n'est pas commandée, observent par là même tous les préceptes de la loi et de l'Évangile. Ce qu'ils se sont proposé, c'est de rappeler que la virginité, qui n'est pas commandée, est une vertu supérieure à la pudeur conjugale, qui est commandée, et qu'il est plus parfait de pratiquer la première que la seconde; toutefois, dans les deux cas il est absolument besoin de la grâce de Dieu, car l'Apôtre, traitant cette matière, ne craint pas de dire : « Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi; mais chacun a reçu de Dieu un don qui .lui est propre, celui-ci d'une manière et celui-là d'une autre1 ». Les disciples venaient de dire au Seigneur: «Si telle est la condition de l'homme avec sa femme, il n'importe pas de se marier », ou mieux encore, selon le latin, « d'épouser une femme ». « Tous », répond le Sauveur, « ne comprennent pas cette parole ; il n'y a pour la comprendre que ceux qui en ont reçu la grâce2 ». Ainsi donc les évêques ont constaté que, selon l'enseignement de l'Église, la virginité perpétuelle, qui n'est pas commandée, est une vertu supérieure à la chasteté conjugale, qui est commandée. Quant au sens que Pélage ou Célestius donnaient à leur proposition, les juges ne l'ont jamais su.