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A l'aide d'une nouvelle récapitulation, fixons plus attentivement nos regards sur les points que Pélage a réprouvés et anathématisés ; car ils constituent l'essence même de l'hérésie que nous combattons. Nous ne parlerons pas cependant de ces propositions adulatrices que nous trouvons dans certains de ses livres adressés à une veuve. Qu'il nous suffise de savoir que Pélage a répondu sans hésiter que de telles propositions, ne se trouvent dans aucun de ses livres, qu'il n'en a jamais formulé de semblables, et qu'il en regarde les auteurs, non pas comme hérétiques, mais comme des insensés contre lesquels il lance l'anathème. Voici donc les dogmes principaux de cette hérésie, dont, les développements prodigieux nous ont causé tant de douleur : « Adam a été créé mortel; soit donc qu'il eût péché ou n'eût pas péché, il serait mort. Le péché d’Adam n'a nui qu'à son auteur, et nullement au genre humain. La loi conduit au royaume des cieux, comme l'Evangile. Les enfants nouvellement nés sont dans le même état qu'Adam avant sa prévarication. Ce n'est ni par la mort ni par la prévarication d'Adam que le genre humain meurt, comme ce n'est pas par la résurrection de Jésus-Christ qu'il ressuscitera. Les enfants, fussent-ils morts sans baptême, possèdent la vie éternelle. Si les riches baptisés ne renoncent pas à tout ce qu'ils possèdent, le bien qu'ils semblent faire ne leur sera pas imputé, et ils ne posséderont pas le royaume de Dieu. La grâce et le secours de Dieu ne nous sont pas donnés pour chacune de nos actions; cette grâce et ce secours ne sont autre chose pour nous que le libre arbitre, la loi et la doctrine. La grâce de Dieu nous est donnée selon nos mérites ; dès lors cette grâce est entièrement au pouvoir de l'homme; qu'il soit digne ou indigne, elle dépend de sa volonté. Personne ne peut être appelé enfant de Dieu, qu'à la condition d'être sans a aucun péché. L'oubli et l'ignorance ne sont pas soumis au péché; car ils ne sont pas l'oeuvre de la volonté, mais le résultat d'une impérieuse nécessité. Le libre arbitre cesse d'être tel, s'il a besoin du secours de Dieu; car il dépend de la volonté propre de chacun d'agir ou de ne pas agir. Ce n'est pas au secours de Dieu, mais au libre arbitre que nous devons notre victoire. C'est par lui que nous devenons participants de la nature divine, selon la parole de saint Pierre: Par lui notre âme peut être comme Dieu, c'est-à-dire sans péché ». Cette dernière proposition est extraite du onzième chapitre d'un livre qui n'a pas de nom d'auteur, mais qui est attribué à Célestins; j'y ai lu moi-même ces paroles: « Comment donc chaque homme est-il devenu participant d'une -chose à laquelle il paraissait étranger par état et par vertu? ». Ceux de nos frères qui firent cette objection avaient compris que, selon cette doctrine, notre âme est de la même nature que Dieu, qu'elle est une partie de Dieu, qu'elle lui est absolument identique par état et par vertu. Comme dernière objection nous lisons : « Le pardon n'est point accordé aux pénitents selon la grâce et la miséricorde de Dieu, mais selon le mérite et le travail de ceux qui, grâce à leur pénitence, sont dignes de miséricorde ». Pélage déclara qu'il n'était l'auteur d'aucun de ces dogmes, ni des explications dont on avait pu les appuyer ; il alla jusqu'à les frapper d'anathème, et les juges ne purent que l'approuver; aussi déclarèrent-ils qu'il avait condamné toute doctrine contraire à la foi catholique, comme le prouvaient la réprobation et l'anathème lancés par lui. Dès lors, peu importe que Célestins soit, ou non, l'auteur de ces propositions; peu importe que Pélage ait, ou non, adhéré à ces doctrines, pour nous donner le droit de nous réjouir, de rendre grâces à Dieu et de célébrer ses louanges; il nous surit de savoir que l'autorité ecclésiastique a solennellement condamné cette nouvelle hérésie et tous les maux qu'elle avait enfantés.