CHAPITRE XIII. LE MARIAGE AVANT JÉSUS-CHRIST; LA CONTINENCE DEPUIS JÉSUS-CHRIST.
14. De la part des patriarches qui avaient mission d'accroître et de conserver le peuple de Dieu, la propagation des enfants avait une raison d'être fort légitime; aujourd'hui elle n'a plus le caractère d'une nécessité. Depuis Jésus-Christ la mission par excellence c'est de régénérer spirituellement les enfants qui naissent de quelque manière que ce soit au sein de toutes les nations. Ces paroles de l'Ecriture : « Le temps d'embrasser, et le temps de s'abstenir de tout embrassement1 », nous dépeignent parfaitement ces deux périodes du monde. La première est celle qui a précédé Jésus-Christ; la seconde est celle qui a suivi la venue de Jésus-Christ.
15. L'Apôtre formule en ces termes la même pensée : « Voici donc ce que je vous dis, mes frères : le temps est court, et ainsi, que ceux mêmes qui ont des femmes soient a comme n'en ayant point; et ceux qui pleurent, comme ne pleurant point ; ceux qui se réjouissent, comme ne se réjouissant point; ceux qui achètent, comme ne possédant point ; enfin, ceux qui usent de ce monde, comme n'en usant point; car la figure de ce monde passe. Pour moi, je désire vous voir dégagés de soins ». J'exposerai brièvement dans quel sens je comprends ces paroles. « Voici ce que je vous dis, mes frères : le temps est court », ce n'est plus le moment de propager le peuple de Dieu par la génération charnelle, mais de le réunir spirituellement par la régénération. « Ainsi, que ceux mêmes qui ont des femmes soient comme n'en ayant point », qu'ils ne se laissent donc pas subjuguer par la concupiscence charnelle; « que ceux qui pleurent » sur les tristesses du mal présent, se réjouissent par l'espérance du bien futur; « que ceux qui se réjouissent » sur quelque avantage temporel, soient saisis de crainte à la pensée du jugement éternel; « que ceux qui achètent » possèdent de telle manière que tout en aimant ils ne s'attachent pas; « que ceux qui usent de ce monde» n'oublient pas que leur vie n'est point un séjour perpétuel, mais un passage. « Car la figure de ce monde passe. Pour moi, je désire vous voir dégagés de soins » ; c'est-à-dire, je désire que vous attachiez votre coeur aux choses qui ne passent pas. Le même Apôtre ajoute : « Celui qui n'est point marié s'occupe du soin des choses du Seigneur, et de ce qu'il doit faire pour plaire au Seigneur; mais celui qui est marié s'occupe du soin des choses de ce monde et de ce qu'il doit faire pour plaire à sa femme2 ». « Que ceux mêmes qui ont des femmes soient comme n'en ayant point », c'est là pour ainsi dire le résumé de tout ce qui précède. En effet, ceux qui, malgré leur mariage, s'occupent du soin des choses de Dieu, de ce qu'ils doivent faire pour plaire au Seigneur, et ne cherchent pas, dans les choses de ce monde, à plaire à leurs femmes, sont réellement comme n'ayant point de femmes. Ce précieux état s'obtient plus facilement quand, de leur côté, les femmes sont telles que ce qui leur plaît dans leurs maris ce n'est ni la richesse, ni la grandeur, ni la noblesse, ni la beauté, mais la fidélité, la religion, la pudeur, la bonté et les vertus.