CHAPITRE XXX. COMMENT LA CONCUPISCENCE CAPTIVAIT L'APÔTRE.
33. Pour faire mieux saisir sa pensée, l'Apôtre la formule de nouveau en ces termes : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, mais c'est le péché qui habite en moi ». Il ajoute : « Lors donc que je veux faire le bien, je trouve en moi une loi qui s'y oppose, parce que le mal réside en moi » ; c'est-à-dire que, quand je veux faire le bien que la loi me commande, je trouve en moi une autre loi qui s'y oppose ; car le mal se trouve, non pas dans la loi qui me dit: « Vous ne convoiterez pas », mais en moi-même, puisque je convoite même sans le vouloir. « Car je me plais dans la loi de Dieu, selon l'homme intérieur; mais je sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et qui me rend captif sous la loi du péché qui est dans les membres de mon corps ». Cette complaisance que nous trouvons dans la loi de Dieu selon l'homme intérieur, nous vient de l'admirable efficacité de la grâce fie Dieu. N'est-ce pas dans cette grâce que l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour, quand il se soumet à son action persévérante? En effet, cette grâce ne consiste pas dans une crainte déchirante, mais dans un amour joyeux. Ne sommes-nous pas véritablement libres, là où nous pouvons nous livrer à une délectation volontaire ?
34. Quant à ces paroles: « Je vois dans mes membres une autre loi qui répugne à la loi de mon esprit », elles désignent évidemment cette concupiscence qui est la loi du péché dans une chair de péché. L'Apôtre ajoute : « Me captivant sous la loi du péché », c'est-à-dire sous son propre joug, tel qu'elle l'exerce dans mes membres. Elle captive, c'est-à-dire elle s'efforce de captiver, elle tente d'obtenir le consentement et l'action. Ou bien, et ceci est hors de cloute, elle captive selon la chair, car si cette chair n'était pas sous l'empire de la concupiscence charnelle, appelée la loi du péché, elle n'éprouverait pas ces désirs illicites, contre lesquels l'esprit doit protester courageusement. Pourtant l'Apôtre rie dit pas: captivant ma chair, mais : « me captivant moi-même » ; par conséquent nous avons dû nous attacher de préférence à la première interprétation dans laquelle ce mot: « captivant » signifie essayant de captiver. Pourquoi, du reste, ne dirait-il pas: « me captivant moi-même », encore qu'il ne s'agirait que de sa chair? Parlant de Jésus, dont elle n'avait pas retrouvé le corps dans le tombeau, Madeleine ne s'écriait-elle pas. « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis1 ? » Quoiqu'elle n'eût spécifié ni la chair ni le corps du Sauveur, elle pouvait parfaitement demander « son Seigneur ».
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Jean, XX, 2. ↩