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Vous me raillez finement d'avoir appris des peintres qu'Adam et Eve voilèrent leur nudité, et vous m'ordonnez d'écouter ce vers d'Horace : «Les peintres et les poètes se sont toujours également attribué le pouvoir de tout oser1 ». Ce n'est point auprès d'un peintre de vaines figures, mais auprès de l'auteur des divines Ecritures que j'ai appris, de nos premiers parents, qu'avant de pécher ils étaient nus, et que cependant ils n'en rougissaient pas. Etait-ce donc leur innocence qui leur inspirait une semblable impudence ? A Dieu ne plaise ! mais ce qui est certain, c'est qu'il n'y avait rien en eux qui dût les faire rougir. Ils pèchent, ils considèrent, ils rougissent, ils se voilent2, et vous osez encore vous écrier : «Ils n'éprouvèrent alors rien d'indécent ni de nouveau ». C'est porter l'impudence à un tel excès que je me garde bien de dire que vous l'ayez apprise à l'école, non pas seulement d'un ;apôtre ou d'un prophète, mais même d'un peintre ou d'un poète. En effet, peintre et poète, quoiqu’ «ils se soient toujours également attribué le pouvoir de tout oser », rougiraient profondément d'imaginer, pour faire rire, une absurdité comme celle que vous voudriez discuter et nous faire croire. Quel peintre aurait osé représenter, et quel poète chanter le parfait accord et la constante harmonie de ces deux compagnes habitant sous le même toit, l'une d'une perfection qui n'a d'égal que la corruption de l'aune, je veux dire l'innocence et l'impudence? à moins de désespérer entièrement du sens commun, ce n'est point jusque-là que se fût portée la hardiesse des peintres et des poètes, à moins de tomber dans une véritable folie.
