22.
En disant que «les membres génitaux obéissent à l'empire de la volonté », vous parlez d'une nouvelle passion, ou plutôt d'une passion fort ancienne, telle qu'elle aurait pu exister dans le paradis terrestre, si le péché n'avait pas été commis. Mais comment vous accuser de ce langage, quand vous le rétractez immédiatement vous-même par ces dernières paroles : «Ces membres ne reconnaissent pas l'empire de l'esprit, ils ne demandent que son consentement ? » J'ajoute toutefois que vous ne devriez pas comparer cette passion à la faim et aux autres besoins naturels que nous éprouvons. Il n'est au pouvoir de personne d'avoir faim, d'avoir soif ou de digérer quand il veut; ce sont là des besoins naturels qu'il faut satisfaire sous peine de blesser ou de tuer le corps; mais serait-ce le blesser ou le tuer, que de refuser de consentir à la passion'? Veuillez donc mettre une distinction essentielle entre les maux que nous supportons par la patience, et ceux que nous réprimons par la continence. De ces maux, les premiers sont la conséquence naturelle de notre misérable mortalité. Et pourtant quel heureux et doux empire nous aurions exercé sur ces fonctions naturelles de manducation et de digestion, si noua avions conservé l'innocence du paradis terrestre! mais ces joies, qui pourrait les connaître, qui pourrait les dépeindre? Qu'il vous suffise de croire que rien, ni à l'intérieur, ni à l'extérieur, n'aurait pu donner lieu à la douleur de nous déchirer, au travail de nous fatiguer, à la pudeur de nous faire rougir, à la chaleur de nous brûler, au froid de nous glacer, à l'horreur de nous faire trembler.