26.
Quelle pitié, dès lors, de vous entendre nous attribuer un langage comme celui-ci Le démon et Dieu ont fait entre eux un pacte en vertu duquel Dieu réclame pour lui tout ce qui est baptisé, et le démon tout ce qui naît; à la condition toutefois que Dieu fécondera par sa funeste vertu l'union des sexes instituée par le démon ! » Or, ce n'est pas le démon qui a institué cette union, puisqu'elle aurait existé, alors même que personne n'aurait péché; seulement, si l'état d'innocence avait duré, la concupiscence, dont vous vous instituez le défenseur, ou bien n'aurait pas existé, ou bien n'aurait eu aucun mouvement désordonné. De plus, ce n'est point par une funeste vertu, mais par sa puissance libre et infinie, que Dieu féconde le sein des mères, malgré la prévision qu'elles n'enfanteront que des vases de colère. A la semence viciée dès son origine, quoique bonne en tant que substance, comme en général à tous les hommes mauvais Dieu accorde l'accroissement, la forme, la vie et la santé par une bonté purement gratuite, sans aucune nécessité de sa part, par sa puissance infinie et son irrépréhensible vérité. Tout relève absolument de la puissance de Dieu, ce qui est baptisé comme ce qui naît; le démon lui-même ne saurait s'y soustraire, et vous osez établir entre ces deux choses une distinction? Vouliez-vous dire qu'il est préférable de naître que d'être baptisé? Ou bien vaut-il mieux être baptisé, parce qu'alors on a les deux choses à la fois? En effet, il faut d'abord naître avant de pouvoir être baptisé. Ou enfin, mettez-vous entre ces deux états la balance égale? Si vos prédilections sont pour la naissance, vous faites injure à la régénération spirituelle, à laquelle vous préférez sacrilègement la génération charnelle. C'est bien par un calcul de votre part que vous avez dit : « Ce qui est lavé », et non pas : Ce qui renaît; ne deviez-vous pas faire la part de Dieu aussi vile que possible, du moins quant à l'expression, dans ce contrat réciproque que vous supposez entre Dieu et le démon, et dont vous nous attribuez calomnieusement la responsabilité? Vous pouviez indifféremment vous servir des expressions suivantes : ce qui renaît, ce qui est régénéré, ce qui est baptisé ; toutes ces expressions tirées du grec reçoivent de notre langage latin une précision qui les rend synonymes du sacrement de la régénération. Vous les avez négligées à dessein pour choisir de préférence le mot le plus propre à jeter le mépris sur ce que vous disiez. En effet, tous vos lecteurs auraient certainement préféré à ce qui naît ce qui renaît, ce qui est régénéré, ce qui est baptisé; tandis qu'au contraire vous avez pensé qu'on préférerait facilement ce qui naît à ce qui est lavé ou arrosé. Toutefois, s'il est vrai de dire qu'autant le ciel est distant de la terre, autant l'homme purifié pour porter en soi l'image de l'homme céleste l'emporte sur l'homme qui naît pour porter en soi l'image de l'homme terrestre1, le partage jaloux et intéressé que vous faites entre Dieu et l'homme ne s'évanouit-il pas au moindre souffle? Du reste, nous ne devons pas nous étonner que Dieu revendique pour lui l'image de l'homme céleste, imprimée dans une sainte purification, tandis qu'il laisse le démon régner sur (image de l'homme terrestre, image souillée par la faute originelle, jusqu'à ce qu'il lui soit donné de renaître en Jésus-Christ et de recevoir l'image de l'homme céleste.
I Cor. IV, 49. ↩
