45.
C'est pour nous un devoir d'examiner avec quel soin et quelle habileté vous commentez ce passage de saint Paul : « Nous ne sommes encore sauvés qu'en espérance », et le reste jusqu'à ces mots : « La rédemption de notre corps1 ». Vous affirmez que « cette résurrection ne remet aucun péché, mais a seulement purifie les mérites de chacun ». « En effet », dites-vous, «Dieu rend à chacun selon ses oeuvres » ; pourquoi donc ne nous apprenez-vous point par quelles oeuvres les enfants mériteront d'entrer dans le royaume de Dieu ? Aucun péché, sans doute, ne sera remis dans ce royaume ; et pourtant, si du moins au jugement dernier ne pouvait se faire cette rémission, le Seigneur aurait-il dit de certain péché qu' « il ne sera pardonné ni dans le siècle présent, ni dans le siècle futur2 ? » N'est-ce pas cette rémission qu'espérait le bon larron, quand il s'écriait: « Sou venez-vous de moi, quand vous serez entré dans votre royaume3 ? » Du reste, comme c'est là. une matière très-difficile, je ne crois pas devoir en précipiter la solution. Mais si Dieu, dans son royaume, ne remet aucun péché à ses enfants, n'est-ce point parce qu'il ne trouve en eux aucun péché à pardonner? Et comment pourrait-il y avoir des péchés là où l'esprit, non-seulement ne consent pas à la concupiscence, mais ne convoite même plus contre la chair, puisque la chair elle-même ne convoite plus contre l'esprit? Là se trouve le salut ineffable et parfait, de tous points supérieur à la justification du baptême; car si, dans le baptême, tous les péchés sont remis, il reste toujours cette concupiscence charnelle contre laquelle, de la part des époux, comme de la part des vierges, doit s'engager un glorieux combat, pourvu, du moins, qu'ils aient quelque désir d'avancer dans la perfection. Vous confessez vous-même cette vérité4, mais je ne puis m'expliquer par quel malencontreux hasard vous ne vous entendez pas vous-même, quand il vous arrive de parler en faveur de la vérité.