54.
Mais vous voici armé de tous les traits de la dialectique, vous tirez triomphalement le glaive contre nous; quoi donc ce n'est que pour frapper à mort votre propre secte. Vous distinguez, vous définissez, vous décrivez même les différentes espèces de qualités, et vous dites entre autres choses: « La troisième espèce de qualité, c'est l'affection et la qualité affectionnelle ». « Et si », dites-vous, « nous plaçons l'affection parmi les qualités, c'est parce qu'elle est le principe des qualités; c'est à elle que se rapportent toutes ces passons de l'âme et du corps, qui paraissent et disparaissent en nous avec une étonnante rapidité. Quant à la qualité affectionnelle, à tous ceux en qui elle apparaît, sachons bien qu'elle adhère en vertu de causes supérieures, et que, pour l'arracher, les plus «violents efforts sont souvent même inutiles ». Vous en dites assez pour ceux qui sont familiarisés avec ce genre de matières; mais comme ceux qui liront nos ouvrages et qui sont peu initiés à ces théories, ne sont pas toujours à mépriser, je vais essayer, par des exemples, de jeter quelque lumière sur ce chapitre. En ce qui regarde l'âme, la crainte est une affection, tandis qu'être timide serait une qualité affectionnelle; on en dirait autant de l'homme en colère et de l'homme colère; de l'homme dans l'ivresse et de l'homme ivrogne; là nous trouvons les affections, ici nous trouvons les qualités affectionnelles. En ce qui regarde le corps, autre chose est de pâlir, autre chose d'être pâle; autre chose est de rougir, autre chose d'être rouge, et autres choses semblables dont le vocabulaire laisse à désirer les noms. Or, vous dites de la qualité affectionnelle qu’ « elle est produite par des causes supérieures, et qu'elle adhère telle ment que les plus violents efforts restent même impuissants à l'arracher ». D'un autre côté, rappelez-vous qu'à nos yeux c'est cette qualité affectionnelle qui rend l'âme mauvaise, ou plutôt l'homme mauvais. Mais alors ne craignez-vous pas que dans un tel homme il n'y ait plus de place pour une volonté bonne, ou du moins que cette volonté n'ait plus aucun pouvoir? Ne me concédez-vous pas que c'est contre une telle qualité, qu'un homme quel qu'il fût ou quel qu'il ait été s'est écrié Je trouve en moi la volonté de faire le bien, « mais je ne trouve point en moi le moyen de l'accomplir? » Confessez donc au moins qu'il est bien nécessaire le gémissement formulé par ces paroles: « Qui me délivrera de ce corps de mort? Ce sera la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur1 ».
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Rom. VII, 18, 24, 25. ↩