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Mais enfin, pourquoi ne prendrions-nous pas corps à corps votre argumentation ? «Si », dites-vous, « toute chose bien ordonnée appartient à Dieu, et si toute chose qui appartient à Dieu est bonne, il est donc bon d'être soumis au démon, puisque c'est par là que se conserve l'ordre établi de Dieu. D'où il suit que c'est un mal de se révolter contre le démon, puisqu'une telle révolte trouble l'ordre établi de Dieu ». Vous pourriez dire avec autant de raison que, de la part des cultivateurs, c'est résister à Dieu et troubler l'ordre qu'il a établi, que d'arracher de leurs champs les ronces et les épines que Dieu fait naître pour servir de châtiment aux pécheurs1. Il y a plus encore, car, en vertu de votre principe, toute chose bien ordonnée appartient à Dieu, et toute chose qui appartient à Dieu est bonne; ne doit-on pas conclure que c'est un bien pour les méchants d'être en enfer, puisque par là se conserve l'ordre établi de Dieu? Vous ajoutez : « Il suit de là que c'est un mal de résister au démon, puisque cette résistance trouble l'ordre établi de Dieu ». Pourquoi cette conclusion de votre part? Et qui donc résiste au démon, si ce n'est celui qui a été soustrait à sa puissance par le sang du Médiateur? Sans doute, il eût été préférable de n'avoir pas d'ennemi, que d'avoir à le vaincre. Mais puisque, en vertu du péché, la nature humaine est soumise à son ennemi ; avant de pouvoir combattre victorieusement cet ennemi, ne faut-il pas que l'on soit soustrait à son empire? Ensuite, supposé que la vie se prolonge, la grâce vient au secours du combattant et lui aide à remporter la victoire. Enfin, le vainqueur est béatifié en attendant qu'il entre dans son royaume où il s'écriera éternellement: « O mort, où est ton combat2? » ou avec l'Apôtre : « O mort, où est ta victoire; ô mort, où est ton aiguillon3? »