72.
Mais pourquoi ce besoin « d'appliquer ces paroles à l'orgueil des Juifs », pourquoi soutenir que « c'est uniquement à leur point de vue que l'Apôtre se place, parce qu'ils rejetaient les dons de Jésus-Christ, « comme leur étant absolument inutiles? » Vous prenez volontiers un soupçon pour une réalité; plaise à Dieu que vous estimiez assez vous-même les dons de Jésus-Christ et que vous leur croyiez le pouvoir de nous faire triompher de la concupiscence ! Vous soutenez que les Juifs méprisaient ces dons, « parce que Jésus-Christ conférait par eux la rémission des péchés dont ces Juifs se croyaient exempts par leur fidélité à la loi ». Est-ce donc que la rémission des péchés confère à l'homme assez de perfection pour que la chair cesse de convoiter contre l’esprit1, et qu'il n'y ait plus lieu d'appliquer ces paroles : « Je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair », et autres propositions semblables ? Cependant vous ne renoncez pas à ce dogme impie en vertu duquel vous enseignez que la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur est tellement renfermée dans la seule rémission des péchés, qu'elle ne nous est d'aucun secours pour éviter le péché et pour triompher de nos désirs charnels, quoiqu'elle répande dans nos coeurs la charité par le Saint-Esprit qui nous a été donné. Vous perdez donc de vue celui qui pousse ce gémissement : « Je vois dans mes membres une autre loi qui répugne à la loi de mon esprit », et proclame hautement qu'il ne peut être délivré de ce mal que par la grâce de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur. S'il gémit, ce n'est donc, ni parce qu'il est juif, ni parce qu'il a péché, mais uniquement parce qu'il lui faut faire de violents efforts pour résister au péché.
Rom. V, 5. ↩
