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Dans le premier membre de phrase l'Apôtre avait dit : « Tous », et dans le second il dit : « Beaucoup ». Vous en concluez que le mot beaucoup, ne peut pas signifier : tous, « puisque c'est pour établir cette distinction que l'Apôtre s'est servi du mot beaucoup ». Or, vous pouvez en dire autant de la race d'Abraham, à qui d'abord toutes les nations avaient été promises1, et soutenir que toutes les nations ne lui ont pas été promises, puisque nous lisons dans un autre passage: « Je t'ai établi le père de beaucoup de nations2 ». Aux yeux d'une saine interprétation ces différences terminologiques dans la sainte Ecriture s'expliquent facilement parla raison que certaines choses peuvent être plusieurs, sans cependant être nombreuses; par exemple, nous disons Tous les Evangiles, quoique le nombre en soit réduit à quatre. D'un autre côté, nous pouvons parler de beaucoup de choses sans cependant désigner toutes celles de la même espèce; par exemple, nous disons que beaucoup croient en Jésus-Christ, pans faire entendre que tous y croient. « La foi n'est pas le partage de tous », dit l'Apôtre3. Or, quand nous lisons: « Toutes les nations seront bénies en votre race » ; et: « Je vous ai établi le père de beaucoup de nations», le texte indique clairement que toutes ces nations sont nombreuses, et qu'en parlant de ces nombreuses nations il parle de toutes. De même, quand nous lisons: « Par un seul homme le péché est passé dans tous les hommes » ; et: « Par la désobéissance d'un seul beaucoup ont été constitués pécheurs» ; il est clair que ces mots : beaucoup et tous, désignent absolument les mêmes personnes, c'est-à-dire tous les hommes. Enfin, quand il est dit : « C'est par la justice d'un seul que tous. les hommes reçoivent la justification de la vie » ; et un peu plus loin : « Plusieurs seront rendus justes par l'obéissance d'un seul4» ; nous devons entendre que tous les hommes absolument sont désignés alternativement par ces mots : Tous et beaucoup; non pas en ce sens que tous soient réellement justifiés en Jésus-Christ; mais en ce sens que tous ceux qui sont justifiés, ne peuvent l'être qu'en Jésus-Christ. De même quand nous disons que tous entrent dans telle demeure par une seule porte, nous voulons dire, non pas sans doute que tous les hommes entrent dans cette demeure, mais seulement que personne n'y entre que par cette porte. Nous disons de même: « Tous vont à la mort par Adam, et tous reviennent à la vie par Jésus-Christ. Car, de même que tous meurent en Adam, de même tous seront vivifiés en Jésus-Christ5 » ; c'est-à-dire que, en vertu de la première origine du genre humain, personne ne tombe dans la mort que par Adam, et personne ne naît d'Adam que pour mourir; de même, personne ne revient à la vie que par Jésus-Christ, et personne ne renaît par Jésus-Christ que pour la vie.
