32.
Saint Ambroise nous enseigne qu'entre Dieu et les hommes nous n'avons qu'un seul Médiateur, qui a dû naître d'une vierge, ne pas contracter le péché en naissant, et ne pas sentir les chaînes d'une génération coupable. Quant au reste des hommes, ils sont tous nés dans le péché, et le vice a souillé leur origine, parce que, formés dans la volupté de la concupiscence, ils ont dû subir le joug du péché, avant même de respirer l'air qui nous environne. Il enseigne également que c'est la concupiscence elle-même qui constitue dans notre corps de mort cette loi du péché qui répugne à la loi de l'esprit; de telle sorte que la grande obligation qui incombe, non-seulement aux fidèles, mais encore aux Apôtres eux-mêmes, c'est de combattre contre cette concupiscence, et de s'adjoindre la grâce de Jésus-Christ pour soumettre le corps à l'empire de l'âme, et rétablir la concorde, entre ces deux parties de nous-mêmes. Créées toutes deux par Dieu et sans aucune souillure, elles jouissaient d'une paix parfaite; mais bientôt survint la transgression du premier homme, et avec elle la discorde. Et de qui donc cette doctrine? D'un homme de Dieu, d'un catholique, d'un évêque qui aurait versé jusqu'à la dernière goutte de son sang pour défendre la foi catholique contre les hérésies; d'un docteur enfin dont vous vous êtes constitué vous-même le panégyriste, quand vous avez dit de lui : «Sa foi et ses explications des saintes Ecritures sont à l'abri de tout reproche,même de la part de ses ennemis ». Contre l'erreur des philosophes Platoniciens, il affirme que Dieu est le Créateur, non-seulement des âmes, mais encore des corps. Il affirme que le mariage est bon en soi, qu'il est d'institution divine pour assurer la propagation du genre humain, et qu'à ce titre le devoir conjugal est saint et légitime. Il enseigne que personne n'est justifié du péché, à moins que toutes ses fautes ne lui aient été remises par le baptême. Le Dieu qu'il adore est la justice même. A Dieu ne plaise qu'il désespère pour l'homme de la perfection dans la vertu et dans la justice ! toutefois, s'il s'agit de la perfection parfaite et consommée, il en fait le privilège exclusif de l'autre vie, après la résurrection des morts. Quant à la vie présente, il en fait consister la justice dans la, lutte et la guerre, non-seulement contre les puissances aériennes ou infernales, mais encore contre nos propres cupidités dont nos ennemis extérieurs se font autant d'appuis pour nous vaincre et pénétrer dans la place. Dans cette guerre, l'un de nos ennemis les plus redoutables, c'est la chair qui aurait vécu dans une parfaite concorde avec nous, si la prévarication du premier homme n'était venue la vicier et l'armer contre nous du poids redoutable de sa langueur. Pour nous assurer la victoire dans cette guerre, le saint docteur nous avertit de fuir le monde, tout en nous prévenant que cette fuite est pour nous très-difficile et même impossible, à moins que nous ne soyons puissamment aidés par la grâce de Dieu. Il dit que nos vices sont morts par le fait même de la rémission de tous nos péchés dans le baptême, mais que c'est à nous de pourvoir à leur sépulture. Développant aussitôt sa pensée, il affirme que nos vices, quoique morts, peuvent encore lutter contre nous à tel point que nous ne faisons pas ce que nous voulons, et que nous faisons ce que nous haïssons; il ajoute que, malgré notre résistance, le péché accomplit en nous des oeuvres nombreuses, et que très-souvent les passions ressuscitent pleines de vie ; enfin que nous devons lutter contre la chair, comme le faisait saint Paul, quand il disait : «Je vois dans mes membres une autre loi qui répugne à la loi de mon esprit ». Il nous défend de nous confier en notre chair et de prêter l'oreille à ses insinuations, puisque l'Apôtre nous dit : «Je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair ; car je sens en moi la volonté de faire le bien, mais je ne trouve pas le moyen de l'accomplir1 ». Le long combat que nous avons à soutenir contre nos péchés déjà morts, pouvait-il nous être mieux dépeint que par ce courageux soldat de Jésus-Christ, par ce fidèle docteur de l'Eglise? Comment donc le péché peut-il être mort, puisque, malgré notre résistance, il accomplit en nous des oeuvres si nombreuses? Et cet; oeuvres sont-elles autre chose que ces désirs insensés et criminels, qui précipitent dans la mort et dans la damnation ceux qui s'y abandonnent2 ? Eprouver ces désirs et leur refuser son consentement, c'est là le combat, la guerre et la lutte. N'est-ce pas la lutte du bien et du mal, non pas de la nature contre la nature, mais de la nature contre le vice, le vice déjà mort, mais restant à ensevelir, c'est-à-dire à guérir? Comment donc pouvons-nous dire avec saint Ambroise que ce péché est mort dans le baptême, tandis que nous avouons en même temps qu'il habite dans nos membres, que malgré notre résistance, il accomplit beaucoup d'oeuvres en nous, d que nous lui résistons en refusant notre consentement? Le péché est mort pour nous, quant à la coulpe qui nous souillait, mais malgré cette mort il se révolte contre nous, jusqu'à ce qu'il soit guéri par la perfection de la sépulture. On pourrait donc distinguer le péché en tant qu'il est une habitude, et en tant qu'il est une souillure; en tant que souillure, il est en nous le fait du premier homme; en tant qu'habitude, il tend sans cesse à noie entraîner vers le mal, et nous y entraînerait en effet, si la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ne venait à notre secours, et ne nous rendait capables de comprimer la révoltes de ce péché mort, et en le comprimant de l'empêcher de revivre et de ressusciter.