33.
Au sein de cette guerre et de celle épreuve qui constituent la vie humaine sur la terre1, nous ne devons pas nous regarder comme étant sans péché, par cela seul que nous ne consentons pas aux désirs illicites que le péché opère dans nos membres, par opposition à la loi de notre esprit. En ce qui nous regarde, si nous ne consentions jamais au mal, nous serions toujours sans péché, jusqu'à ce que le mal fût en nous parfaitement guéri; cependant, malgré la résistance de notre volonté, la lutte est si violente et si continuelle qu'il nous est impossible de ne pas être vaincus, non pas mortellement, mais véniellement; et c'est ainsi que chaque jour nous sommes autorisés à dire: «Pardonnez-nous nos offenses2 ». Tels sont les époux qui, pour satisfaire uniquement leur volupté, excèdent le mode nécessaire à la génération; tels sont les continents, quand ils éprouvent pour ces pensées une sorte de délectation morose, non pas sans doute qu'ils veuillent le mal, mais parce qu'ils ne détournent pas assez promptement leur esprit ou ne l'arrachent pas aussitôt à ces impressions, s'il en est déjà saisi. Quant à cette loi du péché, à laquelle on donne parfois le nom même de péché, et qui se révolte contre la loi de notre esprit, nous en trouvons l'existence constatée, non-seulement par saint Ambroise qui en a parlé si longuement, mais encore par saint Cyprien, saint Hilaire, saint Grégoire et beaucoup d'autres docteurs. Celui donc qui a été engendré dans Adam, doit être régénéré en Jésus-Christ; celui qui est mort en Adam, doit être vivifié en Jésus-Christ ; il est soumis au péché originel, parce qu'il naît du mal, de ce mal qui fait que la chair convoite contre l'esprit, et non du bien qui fait que l'esprit convoite contre la chair3. Qu'y a-t-il donc d'étonnant, que la régénération soit nécessaire à celui qui est né de ce mal, contre lequel combat tout homme régénéré, et dont la souillure salirait son âtre, s'il n'en avait pas été délivré par le bain du baptême ? Ce mal n'est point la matière dont Dieu s'est servi pour créer l'homme, mais la blessure à l'aide de laquelle le démon a vicié l'oeuvre créée; Ce mal, ce n'est point. le mariage lui-même, mais le péché de nos premiers parents, transmis à leur postérité par la génération. Ce mal, quant à la coulpe, est effacé par la sanctification du baptême. Or, si les enfants ne contractent aucun péché, comment donc concilier la justice de Dieu avec tous les maux qui deviennent leur partage ici-bas? D'un autre côté, nous ne refusons pas à l'homme le pouvoir d'arriver à une justice parfaite, parce que sous l'influence d'un médecin tout-puissant, nous ne pouvons désespérer de parvenir à l'entière guérison de tous nos vices. C'est pour attester cette vérité catholique, que tous ces saints docteurs, si versés dans la connaissance des saintes Ecritures, Irénée, Cyprien, Réticius, Olympius, Hilaire, Ambroise, Grégoire, Innocent, Jean, Basile, et avec eux, que vous le vouliez ou pion, saint Jérôme, sans parler de ceux qui vivent encore, vous opposent unanimement la croyance certaine à la transmission et à l'existence du péché originel dans tous les hommes. Il n'y a d'exception, en droit, que pour Celui qui a été conçu dans le sein d'une Vierge, sans aucune concupiscence ni révolte de la loi de la chair contre la loi de l'esprit.
