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Il n'y a donc, je crois, de solution possible à cette question, qu'autant que nous voulons bien comprendre que ces bonnes oeuvres qui obtiennent pour récompense la vie éternelle, sont elles-mêmes du ressort de la grâce de Dieu, selon cette parole du Sauveur. «Sans moi, vous ne pouvez rien faire1». L'Apôtre lui-même avait dit : « C'est par la grâce que vous êtes sauvés, en vertu de a la foi, et cela ne vient pas de vous, puisque c'est un don Dieu ; cela ne vient pas de vos oeuvres, afin que nul ne se glorifie en soi-même ». Puis, s'apercevant que les hommes pourraient peut-être interpréter sa pensée en ce sens que la foi seule suffit à ceux qui croient, sans qu'ils aient aucun besoin des bonnes oeuvres; ou bien, craignant que les hommes ne tirent vanité de leurs bonnes œuvres, comme s'ils se suffisaient pleinement à eux-mêmes pour les accomplir, il ajoute aussitôt : « Car nous sommes son ouvrage, étant créés en Jésus-Christ dans les bonnes oeuvres que Dieu a préparées afin que nous pussions y marcher2 ». Pourquoi donc, lorsqu'il avait dit en faveur de la grâce: « Cela ne vient point de vos oeuvres, afin que nul ne se glorifie en soi-même ». Pourquoi, dis-je, nous en fournir cette raison : « Nous sommes l'ouvrage de Dieu, étant créés en Jésus-Christ dans les bonnes œuvres ? » Comment donc nous dire : « Cela ne vient pas de vos oeuvres, afin que nul ne se glorifie en soi-même? » Ecoutez enfin, et comprenez :« Cela ne vient pas de vos œuvres », c'est-à-dire de vos œuvres propres, de ces œuvres dont vous êtes exclusivement le principe et la cause; mais il en est autrement si vous parlez de ces oeuvres dans lesquelles Dieu nous a formés et créés. « Nous sommes son ouvrage, étant créés en Jésus-Christ dans les bonnes œuvres », non pas de cette création qui nous a donné l'être, mais de celle dont parlait celui qui, tout homme qu'il était, s'écriait : « Créez en moi un coeur pur, ô mon Dieu3 » ; de celle encore qui inspirait à l'Apôtre ces belles paroles : « Si donc quelqu'un est en Jésus-Christ, il est devenu une nouvelle créature; ce qui était vieux est passé; tout est devenu nouveau, et le tout vient de Dieu4». Nous sommes donc créés et formés « dans les bonnes oeuvres qui « ont été préparées », non point par nous-mêmes, « mais par Dieu, afin que nous pussions y marcher ». C'est pourquoi, très chers frères, si notre bonne vie n'est autre chose que la grâce de Dieu ; à plus forte raison la vie éternelle, récompense de notre bonne vie , doit-elle être également une grâce de Dieu ; car cette vie éternelle ne saurait être donnée que gratuitement, puisque la bonne vie à laquelle elle est donnée comme récompense, nous est elle-même donnée gratuitement. Toute la différence, la voici : la bonne vie est en elle même une grâce purement gratuite, tandis que la vie éternelle qui lui est donnée comme récompense, et précisément parce qu'elle lui est donnée comme récompense, devient réellement une grâce en récompense d'une autre grâce; c'est la couronne conférée à la justice. Et c'est ainsi que l'on a pu dire en toute vérité, parce que réellement c'est la vérité, que Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres.