20.
Ne nous scandalisons pas de voir que Dieu n'accorde point à quelques-uns de ses enfants le don de la persévérance. Il n'en serait point ainsi s'ils étaient du nombre de ces prédestinés que Dieu a appelés selon son décret éternel et qui sont réellement les enfants de la promesse. Quand ces hommes vivent chrétiennement, nous disons d'eux qu'ils sont les enfants de Dieu ; ruais comme ils doivent se livrer à l'impiété et y mourir, la prescience de Dieu ne tient pas à leur égard le même langage. Les vrais enfants de Dieu ont cessé de vivre avec nous pour vivre avec Dieu; de là cette parole de saint Jean : « Jésus devait mourir pour son peuple, et non-seulement pour son peuple, mais encore afin de réunir les enfants de Dieu dispersés1 ». Cette unité devait se faire par la foi à la prédication de l'Evangile ; et cependant même avant que a prodige fût accompli, ils étaient déjà les enfants de Dieu, et leur nom était écrit d'une manière indélébile dans la pensée du Père céleste.
Il en est d'autres encore que nous appelons enfants de Dieu à cause de la grâce qu'ils ont reçue temporairement, et qui cependant su sont pas regardés par Dieu comme ses enfants C'est de ces hommes que saint Jean disait : « Ils sont sortis d'avec nous, mais ils n'étaient pas des nôtres; car s'ils eussent été des nôtres ils fussent demeurés avec nous2 ». L'Apôtre ne dit pas : Ils sont sortis d'avec nous, et parce qu'ils ne sont pas demeurés avec nous ils n'étaient pas des nôtres ; voici ses paroles : « Ils sont sortis d'avec nous, mais ils n'étaient pas des nôtres » ; en d'autres termes : on les voyait parmi nous, mais ils n'étaient pas des nôtres. Supposant alors qu'on lui en demande la preuve, il ajoute : « S'ils eussent été des a nôtres, ils fussent demeurés avec nous ». Or, les enfants de Dieu s'écrient: Saint Jean a parlé, et il tenait le premier rang parmi les enfants de Dieu. Si donc les enfants de Dieu disent de ceux qui n'ont pas eu la persévérance : « Ils sont sortis d'avec nous, mais ils n'étaient pas des nôtres », et ajoutent : « S'ils eussent été des nôtres, ils fussent demeurés avec nous », n'est-ce pas comme s'ils disaient : Ils n'étaient pas les enfants de Dieu, même quand ils faisaient profession et qu'ils portaient le nom d'enfants de Dieu ? S'ils n'étaient pas les enfants de Dieu, ce n'est point qu'ils eussent simulé une justice qu'ils n'avaient pas, mais c'est parce qu'ils n'ont point persévéré dans cette justice. L'Apôtre ne dit pas: S'ils eussent été des nôtres, ils auraient eu avec nous une justice véritable et non point simulée ; mais, dit-il, « s'ils eussent été des nôtres, ils fussent demeurés avec nous ». Ce qu'il voulait, c'est qu'ils persévérassent dans le bien. Ainsi donc ils étaient dans le bien, mais parce qu'ils n'y sont pas demeurés, c'est-à-dire parce qu'ils n'y ont pas persévéré jusqu'à la fin, « ils n'étaient pas des nôtres », même quand ils étaient avec nous. En d'autres termes, ils n'étaient pas du nombre des enfants, même quand ils partageaient la foi des enfants ; car ceux qui sont vraiment les enfants de Dieu ont été connus par la prescience et prédestinés pour devenir conformes à l'image de son fils ; et ils ont été appelés selon le décret, afin de devenir des élus. Car celui qui périt, ce n'est pas l'enfant de la promesse, mais l'enfant de perdition3.