15.
« Pourquoi», disent-ils, « Dieu n'enseigne-t-il pas tous les hommes? » Si nous en donnons pour raison que ceux qu'il n'enseigne lias ne veulent pas apprendre, ils nous répondent aussitôt : Que signifient donc ces paroles : « O Dieu, tournez sur nous vos regards, et vous nous vivifierez1? » Ou bien, si l'action de Dieu ne va pas jusqu'à rendre bonne la volonté précédemment mauvaise, pourquoi donc, selon le précepte du Seigneur, l'Eglise prie-t-elle pour ses persécuteurs2 ? Telle est pourtant l'interprétation donnée par saint Cyprien à ces paroles de l'Oraison dominicale : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel3 »; comme votre volonté se fait dans ceux qui croient et qui sont en quelque sorte le ciel; qu'ainsi elle se fasse dans ceux qui ne croient pas et qui par là même sont encore terre. En priant pour ceux qui refusent de croire, nous demandons-nous pas que Dieu opère en eux le vouloir4 ? C'est en parlant des Juifs que l'Apôtre disait : « Mes frères, je sens dans mon coeur une grande affection pour le salut d'Israël, et je le demande à Dieu par mes prières5 ». Il prie pour ceux qui ne croient pas, et que demande-t-il, si ce n'est la foi? Car ce n'est que par la foi qu'ils peuvent parvenir au salut. Si donc la foi de ceux qui prient prévient la grâce de Dieu, cette même foi prévient-elle aussi la grâce de Dieu en faveur de ceux pour qui l'on demande la foi? Car ce que les croyants demandent pour les infidèles, c'est le don de la foi à ceux qui ne croient pas.
Ainsi donc, devant la même prédication de l'Evangile, les uns croient et les autres ne croient pas; en croyant à la parole extérieure de l'Apôtre, les croyants n'écoutent en réalité que le Père et n'apprennent que de lui; quant à ceux qui ne croient pas, ils entendent la parole extérieure , mais intérieurement ils n'entendent et n'apprennent quoi que ce soit. En d'autres termes, aux uns il est donné de croire, tandis que ce même bienfait n'est pas accordé aux autres. Car, dit le Sauveur, « personne ne vient à moi s'il n'y a été attiré par mon Père, qui m'a envoyé ». Ce qui suit rend encore cette vérité plus manifeste. En effet, presque aussitôt Jésus-Christ proclame la nécessité de manger sa chair et de boire son sang; et plusieurs de ses disciples de s'écrier à l'instant : « Cette parole est dure, qui donc peut l'entendre? Jésus sachant en lui-même que sa doctrine soulevait les murmures de ses disciples, leur dit : Ceci vous scandalise? Les paroles que j'ai prononcées sont esprit et vie, mais il en est parmi vous qui ne croient pas ». L'Evangéliste ajoute aussitôt : « Jésus connaissait depuis le commencement ceux qui croiraient et celui qui devait le trahir, et il disait : Voilà pourquoi j'ai affirmé que personne ne peut venir à moi, si mon Père ne lui en a fait la grâce6 ». Par conséquent, être attiré à Jésus-Christ par le Père, entendre et apprendre du Père pour venir à Jésus-Christ, ce n'est rien autre chose que recevoir du Père le don de croire en Jésus-Christ. « Personne », disait-il, « ne vient à moi, s'il n'en a reçu le don de mon Père » ; telles sont les paroles sur lesquelles se fonde la distinction à établir, non pas entre ceux qui entendent et ceux qui n'entendent pas l'Évangile, mais entre ceux qui embrassent la foi et ceux qui la rejettent.