53.
Parmi mes opuscules, en est-il un seul qui ait pu être lu plus souvent et avec plus d'intérêt que les livres de mes Confessions? Quoique je les aie publiées avant la naissance de l'hérésie pélagienne, il est certain que j'y ai dit à notre Dieu, et que je le lui ai dit bien des fois : « Donnez ce que vous commandez, et commandez ce que vous voulez1 ». Ces paroles écrites de ma main, ayant été citées en présence de Pélage, à Rome, par un de mes frères, mon collègue dans l'épiscopat, Pélage ne put les supporter et il mit dans sa réplique une vivacité telle qu'il fut sur le point d'en venir aux mains avec celui qui les avait citées. Mais qu'est-ce que Dieu nous commande tout d'abord, et par dessus tout, sinon de croire en lui? C'est donc lui-même qui donne précisément cette grâce, si j'ai eu raison de lui dire : « Donnez ce que vous commandez ». Et quand, dans ces mêmes livres encore, j'ai fait l'histoire de ma conversion2, quand j'ai rapporté que j'avais été converti par Dieu à cette même foi contre laquelle je dirigeais auparavant les traits impuissants et sans cesse renouvelés de mon verbiage furibond, ne vous souvenez-vous pas que mon récit indiquait clairement que mon salut avait été accordé aux larmes sincères et quotidiennes de ma mère ? Aux mêmes endroits aussi j'ai déclaré hautement que Dieu par sa grâce convertit à la vraie foi, non-seulement les volontés humaines qui sont éloignées, mais celles même qui sont ennemies de cette foi. Quant aux progrès dans la persévérance, vous savez, et, si vous le voulez, vous pouvez vous en convaincre de nouveau; vous savez, dis-je, comment j'ai prié Dieu de me les accorder. Ainsi tous les dons de Dieu qui ont été dans cet ouvrage l'objet de mes voeux ou de mes louanges, qui oserait, je ne dis pas nier, mais seulement douter que Dieu, dans sa prescience, ait su qu'il devait les donner, et qu'il n'ait jamais pu ne pas connaître ceux à qui il devait les donner? Or, telle est la prédestination manifeste et incontestable des saints : prédestination que nous avons été plus lard dans la nécessité de défendre d'une manière plus complète et avec plus de soin , dès que nous avons discuté contre les Pélagiens. Car nous avons appris que chaque hérésie en particulier a fait naître au sein de l'Eglise des discussions spéciales dans lesquelles il fallait défendre les divines Ecritures avec plus de soin que si on n'avait pas été obligé de le faire par des motifs de ce genre. Et si nous avons été obligé de défendre, avec plus de développements et plus d'éclaircissements, dans le présent ouvrage, les passages des Ecritures où la prédestination est enseignée, n'est-ce pas précisément parce que les Pélagiens prétendent que la grâce de Dieu est donnée suivant nos mérites? doctrine qui évidemment n'est pas autre chose que la négation complète de la grâce.