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Quant aux paroles ajoutées à celles qui précèdent, je me demande comment il peut se faire que dans le peuple chrétien il y ait un seul homme assez faible d'esprit pour entendre, sans en être indigné, un prédicateur disant publiquement : « Vous qui obéissez, si vous êtes prédestinés pour être rejetés, vous serez privés des forces nécessaires pour obéir, afin que vous cessiez de pratiquer l'obéissance ». Un pareil langage semble-t-il être autre chose qu'une malédiction, ou, en un certain sens, une prédiction de malheurs? S'il plaît au prédicateur, ou même si le prédicateur se trouve obligé de dire quelque chose de ceux qui ne persévèrent point, pourquoi du moins ne s'exprimerait-il pas plutôt de la manière que j'indiquais tout à l'heure? D'abord, il ne doit pas appliquer ces paroles directement à une partie du peuple qui l'entend, il doit seulement les appliquer à d'autres devant eux ; ainsi il ne doit pas dire : « Vous qui obéissez , si vous êtes prédestinés pour être rejetés », mais plutôt : « Ceux qui obéissent, s'ils sont prédestinés..... etc. », parlant à la troisième personne du verbe, et non pas à la seconde. Car il ne s'agit pas dans ces paroles d'une chose désirable, mais d'une chose abominable, et il est trop dur, il est trop odieux de les jeter comme un outrage à la face des auditeurs,en leur disant : « Vous qui peut-être obéissez, si vous êtes prédestinés pour être rejetés, vous serez privés des forces nécessaires pour obéir, et vous cesserez ainsi de pratiquer l'obéissance ». En quoi la même pensée serait-elle affaiblie, si l'on disait : Ceux qui peut-être obéissent, mais qui n'ont pas été prédestinés pour le royaume de Dieu et pour sa gloire, n'ont qu'une fidélité temporaire, ils ne persévéreront pas jusqu'à la fin dans la même obéissance? On dit ainsi la même chose avec plus de vérité et en termes plus convenables, puisque non-seulement on ne paraît pas souhaiter de mal à ses auditeurs, mais on semble même adresser à d'autres ce qui sans cela exciterait leur indignation , et par ce moyen, au lieu de penser qu'ils sont eux-mêmes dans cet état, ils se bornent à espérer et à demander des choses meilleures. Si l'on voulait employer, par rapport à la prescience divine que nos adversaires ne peuvent certainement pas nier, la même forme de langage dont ils croient qu'on doit se servir par rapport à la prédestination; on pourrait exprimer la même pensée presque dans les mêmes termes, et dire : « Vous qui peut-être obéissez, si vous avez été connus d'avance comme devant être rejetés, vous cesserez d'obéir ». Ces paroles, dira-t-on , sont très-vraies ; oui, assurément, mais elles sont très-regrettables, très-déplacées et tout à fait hors de propos; ce langage n'est pas contraire à la vérité, mais il n'est pas appliqué comme un remède propre à guérir l'homme de ses infirmités.