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Au reste, personne ne nous offre un exemple plus illustre de prédestination, que Jésus lui-même . je l'ai déjà établi dans le premier livre1, et j'ai voulu le rappeler en. tore à la fin de celui-ci : Personne ne nous offre un exemple plus illustre de prédestination que le Médiateur lui-même. Que tout fidèle qui veut se former une juste idée de la prédestination, considère attentivement Jésus-Christ, et en Jésus-Christ il se retrouvera lui-même : tout fidèle, dis-je, qui croit et confesse qu'en Jésus-Christ la nature humaine, c'est-à-dire, notre nature, quoi qu'elle ait été prise par le Dieu-Verbe d'une manière individuelle, a cependant été élevée à la dignité sublime de Fils unique de Dieu, de telle sorte que celui qui a pris, et ce quia été pris par lui ne sont qu'une seule personne dans la Trinité. Car cette union de l'homme avec le Verbe n'a point formé une quaternité; la Trinité subsiste après comme auparavant, l'unité de personne dans le Dieu-Homme ayant été le résultat ineffable de cette union, En effet, nous ne disons pas que le Christ est Dieu seulement, comme le prétendent les hérétiques Manichéens; nous ne disons pas qu'il est homme seulement, comme le prétendent les hérétiques Photiniens; nous ne disons pas non plus qu'il est homme, mais que comme homme il manque de certaines aloses essentielles à la nature humaine, par exemple, qu'il n'a point d'âme, ou bien quo son âme est dépourvue d'un esprit raisonnable, ou bien que sa chair, au lieu d'avoir été formée du sang d'une femme, a été formée du Verbe, changé lui-même et transformé en chair : car ces trois opinions, aussi fausses que puériles, ont divisé les hérétiques Apollinaristes en trois partis différents et même opposés : nous disons au contraire que le Christ est Dieu véritable, né de Dieu le Père, sans aucun commencement temporel; que ce même Christ est homme véritable, né d'une mère humaine dans une certaine plénitude des temps; et que l'humanité du Christ, par laquelle il est inférieur au Père, n'ôte rien à sa divinité par laquelle il est égal au Père. Cet Homme-Dieu n'est cependant qu'un seul Christ, lequel en tant que Dieu a dit en termes parfaitement vrais : « Le Père et moi nous sommes une seule chose2. » ; et avec autant de vérité en tant qu'homme : « Le Père est plus grand que moi3 ». Celui donc qui a formé cet homme de la race d'Abraham et lui a donné, sans aucun mérite précédent de sa volonté, une justice qu'il ne devait jamais perdre, est le même qui rend justes ceux qui ne le sont pas, sans aucun mérite précédent de leur volonté personnelle, afin que le premier soit le chef, et que ceux-ci soient les membres. Celui qui a donné à cet homme, sans aucun mérite précédent de sa part, de ne contracter dans son origine et de ne commettre par sa volonté aucun péché dont il eût besoin d'obtenir le pardon, est le même qui donne à d'autres hommes, sans aucun mérite précédent de leur part, de croire en lui, afin de leur remettre lui-même tous leurs péchés : celui qui a formé cet homme, tel que jamais il n'a eu, et qu'il n'aura jamais une volonté mauvaise, est le même qui rend bonne la volonté mauvaise des membres de cet homme. Il a donc prédestiné et celui-ci et nous-mêmes; car s'il a prévu que cet homme deviendrait notre chef et que nous deviendrions son corps, il a prévu ces deux choses, non point comme devant être la récompense de mérites antérieurs de notre part, mais comme devant être ses propres oeuvres.