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Jul. De même que nous sommes les images de Dieu par la faculté qu'a notre esprit de comprendre et de raisonner; de ,même aussi notre chair nous fait sentît qu'une affinité intime règne entre nous et les animaux ; à la vérité, notre corps diffère par la forme du corps des animaux, mais il est composé substantiellement de la même matière et des mêmes éléments; quoique, sans aucun doute, par suite du mérite ou du démérite de l'âme raisonnable à laquelle il est uni, il doive ou subir un châtiment et être livré à des supplices éternels, ou recevoir une récompense et être couvert d'une gloire immortelle.
Aug. Tu confesses que, par suite du mérite ou du démérite de l'âme à laquelle elle est unie, notre chair, bien qu'elle soit terrestre et corruptible comme celle des vils animaux, doit néanmoins vivre pendant toute l'éternité et, par là même, qu'elle doit avoir une fin bien différente : pourquoi donc ne confesses-tu pas aussi que, par suite du mérite de l'image de Dieu à laquelle elle était unie, et qu'aucun péché n'avait encore souillée, notre chair fut d'abord créée dans un état tel que, malgré son origine terrestre, elle ne devait jamais subir ni la corruption ni la mort, si personne n'eût commis le péché; qu'elle devait être pour nous, non pas ce corps assujetti à la corruption et dont le poids accable notre âme, c'est-à-dire, l'image de Dieu ; mais un corps parfaitement soumis à celle-ci, en sorte que la volonté dirigeât les mouvements des organes charnels et qu'elle présidât à l'oeuvre de la procréation comme elle préside à toute autre oeuvre accomplie par le moyen du corps, je veux dire, avec un pouvoir souverain et absolu ; ou du moins que les mouvements de la concupiscence charnelle , supposé que notre corps y fût assujetti, ne devaient point s'élever sans le consentement de l'âme, en d'autres termes, de l'image de Dieu, et que les pensées de l'esprit ne devaient jamais être submergées et comme englouties sous les flots d'une volupté plus violente et plus orageuse que la mer? Car, si telle était la concupiscence à laquelle nous sommes aujourd'hui assujettis, saint Jean n'aurait point dit qu'une concupiscence de ce genre ne vient point du Père, mais du monde[^1], c'est-à-dire, des hommes qui naissent au monde par elle et avec elle, et qui sont voués dès lors à une perte infaillible, à moins qu'ils ne reçoivent une seconde naissance en Dieu. Nous sommes donc parfaitement autorisés à croire que, antérieurement au péché, et par suite du mérite de l'image de Dieu à laquelle il était uni, notre corps, malgré la ressemblance qu'il a avec celui des animaux quant à la substance dont il est composé, se trouva à son origine dans une condition autre que celle de ces derniers, de même que, depuis le péché, il se trouve destiné à une fin tout à fait différente.
- I Jean, II, 10.