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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE PREMIER. LES TROIS PREMIERS ARGUMENTS DE JULIEN.

67.

Jul. Poursuivons cependant. Après le passage que j'ai rapporté plus haut, tu ajoutes immédiatement, et en parlant toujours de moi : « Après cela il cite ces paroles que nous avons écrites : Cette concupiscence honteuse, qui est louée en termes ignobles par des hommes sans pudeur, n'existerait pas si l'homme n'avait pas péché antérieurement ; les noces, au contraire, existeraient quand même personne n'aurait commis le péché ; et la procréation des enfants s'accomplirait alors sans aucune atteinte de cette maladie. Ces paroles sont bien de moi, en effet. Mais il n'a point osé transcrire ces autres que j'ai ajoutées : La procréation des enfants s'accomplirait dans le corps de cette vie, sans aucune atteinte de cette maladie sans laquelle elle ne saurait maintenant s'accomplir dans le corps de cette mort. Ainsi, au lieu d'exposer ma pensée tout entière, il l'a en quelque sorte mutilée, parce qu'il a redouté ce témoignage de l'Apôtre : Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort? Ce sera la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur[^2]. Car le corps de cette mort n'existait pas dans le paradis avant le péché, et c'est pour cela que nous avons dit: Dans le corps de cette vie, qui existait dans le paradis, la procréation des enfants pouvait s'accomplir sans aucune atteinte de cette maladie sans laquelle elle ne peut plus s'accomplir dans le corps de cette mort[^3] ». Pour toi, tu es fidèle, dans cet ouvrage principalement, et cela pour de bonnes raisons, tu es fidèle à l'habitude que tu as de ne rien dire qui soit vrai quand tu parles contre la vérité ; une multitude de corrections suffiraient à peine à redresser les erreurs nombreuses de ton érudition. C'est pourquoi je me contenterai ici d'observer en deux mots que tu te trompes; pour moi, tu reconnaîtras, au moins quand tu auras lu cet ouvrage, que je n'ai pas l'habitude de mentir. Attribue-toi donc la propriété exclusive de ce vice, afin que tu puisses entendre, non sans l'avoir méritée assurément, cette sentence de l'Evangile : Tu es menteur dès le commencement, aussi bien que ton père[^1], ou celui à qui tu dis avoir appartenu en naissant comme à ton maître, ou tout autre personnage secondaire qui t'a administré un sacrement dont les rites extérieurs sont d'une décence exquise, quoiqu'il soit impossible d'en parler devant des personnes honnêtes. Ainsi, j'ai cité dans mon premier ouvrage tout ce que tu prétends faussement avoir été omis; si tu lis les pages qui sont presque les dernières de mon premier volume , tu pourras reconnaître toi-même que j'ai répondu victorieusement il chacune de tes paroles par une argumentation aussi forte que lumineuse. Ta phrase n'a donc pas été mutilée, mais elle a été dans toute son intégrité confondue par une réponse décisive. Quelques mots maintenant sur ces paroles de l'Apôtre : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort? Ce sera la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Quand il s'exprimait ainsi, l'Apôtre n'avait pas en vue la mortalité de notre corps, cette mortalité qui est la condition naturelle de la chair des animaux; il voulait désigner par ces paroles l'habitude de pécher , l'état coupable dont, après l'incarnation du Christ, est délivré, par le Nouveau Testament, quiconque s'adonne avec ardeur à la pratique de la vertu. Parlant ici au nom des Juifs qui, même après les défenses de leur loi sainte, étaient encore victimes des charmes trompeurs de la convoitise, il montre que dans ce malheur extrême la seule ressource qui leur reste c'est de croire en Jésus-Christ; en Jésus-Christ qui, en même temps qu'il donnait des assurances pour l'a. venir, accordait le pardon du passé; qui ne poursuivait pas les coupables par des menaces continuelles de châtiments, mais qui encourageait les efforts des justes par des témoignages de l'amour le plus tendre et le plus généreux; qui n'achevât point de briser par la terreur ceux dont les forces étaient presque éteintes, mais qui réconfortait par sa douceur ceux qu'il avait corrigés; saint Paul avait éprouvé lui-même les effets de cette douceur, quand il disait : « C'est une vérité certaine que le Christ Jésus est venu en ce monde pour sauver les pécheurs, entre lesquels je suis le premier; mais aussi j'ai obtenu miséricorde, afin que le Christ Jésus montrât en moi toute sa patience, et qu'ainsi je servisse d'exemple à ceux qui doivent croire en lui pour la vie éternelle[^4] ». L'Apôtre dit : « Il a montré en moi toute sa patience », précisément pour te faire comprendre qu'il parle de la vie mauvaise, non point de la nature humaine, et de peur que le motif auquel il attribue la venue du Christ ne fût considéré par toi comme une affirmation de la culpabilité des enfants eux-mêmes. Dans son épître aux Romains, le même Apôtre parle de cette patience de Dieu en ces termes « Ignores-tu que la patience de Dieu t'invite à la pénitence? taudis que, par ta dureté et par l'impénitence de ton coeur, tu t'amasses des trésors de colère pour le jour de la colère[^5]? » La patience de Dieu s'exerce donc en attendant durant un long espace de temps, la conversion de l'homme. Mais on ne peut pas dire que les enfants sont l'objet d'une patience semblable. S'il existait des péchés naturels, et que ces péchés fussent attribues aux enfants par le Sauveur, ou ne pourrait pas dire avec vérité que celui-ci est patient, mais on pourrait dire en toute certitude qu'il est cruel. Or, Dieu ne peut être que bienfaisant et juste, et tels sont les attributs de mon Dieu Jésus-Christ. Saint Paul, longtemps persécuteur, ou ceux au nom de qui il parle, avaient éprouvé les effets de sa patience, car ils avaient été attendus longtemps, quoique leur délivrance fût tardive. Conséquemment, test la vie des hommes, et non point leur nature, que l'Apôtre condamne. Et quand il relève, aux yeux des Juifs, le prix de la grâce, par cette considération que la loi punit les méchants et qu'on ne trouve point en elle les mêmes trésors de miséricorde que dans le baptême, où la souillure des actions coupables est effacée par une confession faite en quelques mots, il veut leur montrer qu'ils doivent.venir au plus vite à Jésus-Christ, implorer le secours de sa clémence, et remarquer que la loi n'a que des menaces pour les blessures morales, tandis que la grâce les guérit d'une manière à la fois prompte et efficace. Ainsi, ce n'est point la chair, ce sont les péchés qu'il dit être un corps de mort; s'il avait voulu parler des misères qui affligent nos membres, et que tu regardes comme le résultat du péché, au lieu de dire : Le corps de cette mort, il aurait dit avec plus de justesse : la mort de ce corps. Au reste, sache que, dans le langage ordinaire des Ecritures, les péchés sont désignés sous le nom de membres; et pour t'en convaincre, lis dans l'épître aux Colossiens ces paroles du même Apôtre : « Faites mourir vos membres qui sont sur la terre : la fornication, l'impureté et l'avarice, qui est une idolâtrie; choses pour lesquelles la colère de Dieu vient sur les enfants d'incrédulité, et dans lesquelles vous aussi vous avez marché autrefois quand vous viviez parmi eux[^6] ». Voilà comment il donne le nom de membres à ce qu'il déclare être des péchés. En écrivant aux Romains, il emploie l'expression : corps de péché, dans le même sens : « Notre vieil homme », dit-il, « a été attaché à la croix avec lui, afin que le corps du péché soit détruit, et que désormais nous ne soyons plus esclaves du péché[^7] ». C'est donc en vertu de cet usage que, ici encore il s'est écrié en parlant, comme nous l'avons dit, au nom des Juifs : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort? » c'est-à-dire: Qui nie délivrera de la culpabilité de mes péchés que j'ai commis quand j'aurais pu les éviter? de ces péchés que la loi toujours sévère rie pardonne point, mais dont elle tire vengeance? Qui pourra m'arracher à ces membres, c'est-à-dire à ces délices que j'ai rassemblés, en imitant les méchants, pour en faire un corps complet de péché? Qui, dis-je, aura ce pouvoir? Et il répond, comme si la nature même des choses lui inspirait cette réponse : « La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». La grâce de Dieu, c'est-à-dire la justice conférée aux fidèles sans aucune oeuvre de leur part, suivant ces paroles de David : « Bienheureux ceux à qui leurs iniquités ont été remises et dont les péchés sont couverts ; :bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a imputé aucun péché[^8] ». Celui donc qui rend l'homme bienheureux est bienheureux lui-même, il est la justice éternelle, et, à ce titre, il ne pardonne point d'autres péchés que ceux qu'il a pu imputer justement. Or, il ne saurait imputer justement à quelqu'un une chose dont celui-ci n'a pu se préserver. D'autre part, nul ne peut se préserver de ce que la nature lui confère. Conséquemment, personne absolument ne saurait être coupable d'un péché en vertu d'une loi nécessaire de la nature. Qu'il me suffise d'avoir dit ces quelques mots à ce sujet.

Aug. L'Apôtre a dit : « Qui me délivrera du corps de cette mort? » et tu t'es efforcé, par tes argumentations, d'interpréter ces paroles dans le sens de votre enseignement mais celui qui a envoyé à l'illustre Valère le petit écrit, avait compris parfaitement l'impuissance absolue de tes efforts; et si, en rappelant mes paroles, il a passé sous silence ta réponse, c'est parce qu'il ne voulait pas, en la publiant, l'exposer à exciter le rire de ceux qui l'avaient impatiemment attendue. Qui ne rirait, en effet, en vous voyant espérer de persuader aux autres une chose dont je ne sais si vous avez pu vous persuader vous-mêmes, savoir, que l'Apôtre parlait au nom d'un juif à qui la grâce de Jésus-Christ n'était pas encore accordée, quand il disait : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort? Ce sera la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur?» Est-il donc possible qu'il soit juif et non encore chrétien, celui qui dit : La grâce de Dieu me délivrera par Jésus-Christ Notre-Seigneur ? Je veux bien cependant passer cela sous silence ; mais qui supporterait ton langage, quand tu prétends qu'un homme dit au sujet de ses péchés passés : « Qui me délivrera du corps de cette mort? » afin précisément que ces péchés lui soient remis par la grâce de Jésus-Christ, lequel lui accordera ce pardon ; tandis qu'on voit avec une évidence parfaite ce qui a amené l'Apôtre à s'exprimer ainsi ? En effet, puisque ses,paroles sont encore présentes à nos oreilles, voyons s'il confesse qu'il est malheureux à cause des actions qu'il a commises volontairement, ou à cause de ce qu'il fait contre sa volonté. Cet homme s'écrie : « Ce que je veux, je ne le fais pas; mais ce que je fais, je le fais ». Il s'écrie : « Ce n'est plus moi qui fais cela, mais le péché qui habite en moi. Car je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair : le vouloir, il est vrai, réside en moi; mais l'accomplissement réel du bien, je ne l'y trouve pas. Ainsi, le bien que je veux, je ne le fais point; mais le mal que je ne veux pas, je le fais ». Il ne dit point : J'ai fait ; mais : « Je fais » ; il ne dit point : J'ai accompli ; mais : « J'accomplis »; j'accomplis,« non pas ce que je veux », mais « ce que je ne veux pas ». Enfin, il se complaît dans la loi de Dieu suivant l'homme intérieur, mais il voit dans ses membres une autre loi qui combat contre la loi de son esprit; et c'est précisément cette autre loi qui le contraint à faire, non pas le bien qu'il veut, mais le mal qu'il ne veut pas. C'est pour cela qu'il s’écrie : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort[^9] ? » Et toi, tu fermes les yeux à la lumière la plus éclatante de la vérité, et tu attribues à ce gémissement de l'Apôtre, non pas le sens que tout le monde y voit, mais celui qu'il te, plaît de lui donner : « Qui me délivrera du corps de cette mort?» c'est-à-dire, suivant toi, « qui me délivrera de la culpabilité de mes péchés que j'ai commis? » Saint Paul dit : « Je fais le mal que je ne veux pas » ; et toi tu dis : « Des péchés qui j’ai commis ». Désespères-tu donc des hommes qui lisent ces aloses, jusqu'à te persuader qu'ils n'aiment pas mieux écouter l'Apôtre que toi, et croire à ses paroles plutôt qu'arc tiennes? Laisse l'homme implorer la grâce, de Dieu, non-seulement afin d'être absous des péchés qu'il a commis, mais aussi afin d'obtenir la force nécessaire pour ne plus pécher : c'est ce que fait ici l'Apôtre. Quand il dit : « Je fais le mal que je ne veux pas », il y a lieu pour lui d'ajouter, non pas : « Pardonnez-nous nos offenses » ; mais : « Ne nous induisez pas en tentation[^10] ». Car, suivant la parole de l'apôtre saint Jacques, « chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l'entraîne et le séduit[^11] ». Et voilà précisément le mal dont parle saint Paul quand il dit : « Je sais que le bien n'habite pas en moi c'est-à-dire dans ma chair ». Ce mal réside dans le corps de cette mort. Il n'existait pas dans le paradis avant le péché, parce que notre chair n'était pas encore le corps de cette mort; de cette mort à laquelle il sera dit à la fin : « O mort, où sont tes efforts violents? » mais ces paroles lui seront adressées seulement quand ce corps corruptible aura revêtu l'incorruptibilité, et quand ce corps mortel aura revêtu l'immortalité[^12] : aujourd'hui notre chair est un corps de mort; car le même Apôtre dit ailleurs : « Le corps est mort à cause du péché[^13] ». Ecoute les interprètes catholiques de l'Apôtre; reçois, non pas mes paroles, mais les paroles de ceux en compagnie desquels je reçois tes injures; écoute, non pas Pélage, mais Ambroise : « La chair de Paul même », dit-il, « était un corps de mort, suivant ses propres expressions : Qui me délivrera du corps de cette mort[^14] ? » Ecoute, non pas Pélage, mais Grégoire: « Nous sommes attaqués au-dedans de nous-mêmes », dit-il, « par nos vices et par nos passions propres ; jour et nuit les aiguillons brûlants du corps de cette abjection, de ce corps de mort, nous pressent tantôt d'une manière cachée, et tantôt d'une manière ouverte : non-seulement le charme des choses visibles provoque et irrite sans cesse notre convoitise; non-seulement ce limon fangeux dont nous sommes enveloppés, exhale de toute part l'odeur de sa corruption; mais la loi même du péché, cette loi qui est dans nos membres, résiste à la loi de l'esprit[^15] ». Pour toi, insultant sans pudeur à ces flambeaux de la cité céleste, « L'Apôtre », dis-tu, « a appelé corps de mort, non pas la chair, mais le péché » : tu nies que l'Apôtre ait parlé en cet endroit de la mortalité de notre corps, de cette mortalité à laquelle, suivant tes propres expressions, la chair des animaux est soumise en vertu des lois de la nature ». Tes sentiments, en effet, sont ceux que Pélage a feint de condamner ans le concile de Palestine, savoir qu'Adam a été créé mortel, de telle sorte que, soit qu'il commit, soit qu'il ne commit pas le péché, il était destiné à mourir. Mais,:eu résistant ainsi à ces grands personnages, et à cette multitude de docteurs illustres qui partagent avec eux la vraie foi, tu es obligé de remplir le paradis, alors même que personne n'eût commis le péché, des douleurs de l'enfantement, des souffrances de la naissance, des gémissements de la maladie, des funérailles; des pleurs et des regrets qui sont le triste cortége de la mort. Est-il étonnant après cela que vous soyez sortis du paradis actuel, qui est. l'Eglise, puisque le paradis d'où sont sortis ceux qui nous ont jetés par leur péché dans cet état malheureux, est représenté par vous tel que je ne dis pas aucun chrétien, mais aucun homme, à moins qu'il ne fût insensé, n'aurait osé l'imaginer un seul instant?

  1. Rom. VII, 24, 25.

  2. Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 6.

  3. Jean, VIII, 44.

  4. I Tim. I, 15, 16.

  5. Rom. II, 4, 5.

  6. Coloss. III, 5, 6.

  7. Rom. VI, 6.

  8. Ps. XXXI, 1, 2.

  9. Rom. VII, 15-25.

. Matt. VI, 12, 13.

. Jacq. I, 14.

. I Cor. XV, 53-55.

. Rom. VIII, 10.

. De la pénitence, liv. I, ch. II ou III.

. Grégoire de Nazianze. Apolog. I de sa Fuite.

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